REFUS DE REPRENDRE LE TRAVAIL – COMMENT Y VOIR PLUS CLAIR

25 mai 2020

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Le déconfinement graduel amorcé ne signifie pas la fin des mesures d’urgence sanitaire et toutes les entreprises qui continuent ou reprennent leurs activités doivent mettre en place des mesures pour protéger la santé et la sécurité de leurs travailleurs. Nous vous référons au billet « Reprise des activités : employeurs, redoublez d’attention! » paru précédemment au sujet des obligations légales à cet égard. Mais qu’advient-il lorsqu’un travailleur se dit insatisfait des mesures mises en place ou qu’il soutient être dans l’impossibilité de retourner au travail?

Droit de refus en droit québécois

La Loi sur la santé et la sécurité du travail1 prévoit de manière générale qu’un travailleur qui a des motifs raisonnables de croire que l’exécution du travail demandé l’expose à un danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique, ou expose une autre personne à un tel danger, peut refuser d’exercer ce travail2. Ce droit de refus ne peut toutefois pas être exercé s’il met en péril immédiat la vie, la santé, la sécurité ou l’intégrité physique d’une autre personne ou si les conditions d’exécution du travail demandé sont normales3. On peut ici penser notamment aux premiers répondants et aux travailleurs de la santé dont les conditions de travail impliquent des soins de proximité avec des personnes malades.

L’exercice du droit de refus suppose l’existence de certains paramètres précis, dont :

a) La qualification de travailleur au sens de la LSST;
b) L’appréhension d’un danger, pour soi-même ou pour autrui, et non seulement d’un risque;
c) La présence d’un danger provenant des conditions d’exercice du travail (lieu de travail, aménagement des lieux, équipement, méthodes de travail, etc.). Le refus ne doit pas résulter d’une condition étrangère au travail ou exclusivement de la condition personnelle du travailleur ou d’un proche;
d) La divulgation par le travailleur de motifs raisonnables justifiant le refus;
e) La présence de conditions ou de circonstances anormales du travail à exécuter;
f) L’absence de mise en péril immédiate de la vie, la santé, la sécurité ou l’intégrité physique d’autrui.

Dans le contexte de la pandémie de COVID-19, on peut se demander si le droit de refus peut réellement s’appliquer. D’abord, la simple crainte de contracter la COVID-19 ne saurait en soi constituer un motif raisonnable d’exercer un droit de refus. En effet, l’évaluation du droit de refus se fait sur la base d’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances qui y verrait la probabilité d’un danger réel ou imminent et non seulement la possibilité d’un risque4. À première vue, l’application par l’employeur des mesures de prévention recommandées par les autorités est susceptible de rendre nettement plus difficile une justification du droit de refus. En effet, comme le risque lié à la COVID-19 est présent dans tous les aspects de la vie quotidienne, il devient ardu de soutenir que ce risque découle directement du travail. L’application du droit de refus dans le contexte actuel, si tant est que ce soit même possible, est donc limitée à des cas très particuliers, tributaires de circonstances qui présentent objectivement un danger provenant du milieu de travail.

L’exercice du droit de refus

La LSST établit un mécanisme spécifique pour l’exercice du droit de refus, lorsqu’applicable. Ainsi, le travailleur qui exerce son droit de refus doit en informer immédiatement son employeur et lui indiquer les raisons de son refus. Il doit ensuite rester disponible pour exécuter d’autres tâches temporaires que l’employeur voudrait lui confier5.

Une fois avisé de l’exercice d’un droit de refus, l’employeur doit convoquer le représentant du travailleur (représentant à la prévention ou le représentant syndical), examiner la situation et proposer des solutions correctrices, si requises6.  Si un désaccord persiste sur les solutions proposées ou la nécessité de telles solutions correctrices, l’intervention d’un inspecteur de la CNESST peut être demandée7. L’inspecteur évaluera la situation, déterminera si le danger justifie le refus et imposera, le cas échéant, la reprise du travail ou la mise en place de mesures correctrices.

Si le refus est injustifié ou acceptable dans le cas particulier du travailleur, l’employeur pourrait demander à un autre travailleur de le remplacer. Les motifs du refus exercé devront par ailleurs être divulgués au remplaçant afin de lui permettre d’accepter ou non d’exécuter le travail demandé8.

Le droit de refus étant une exception d’ordre public à l’obligation du travailleur d’exécuter les ordres de son employeur, son exercice ne peut pas justifier en soi un congédiement9. Ainsi, un travailleur qui exerce son droit de refus pourra continuer de recevoir son salaire. Il en sera de même pour les autres travailleurs qui, affectés par le droit de refus exercé, seraient dans l’impossibilité d’exécuter leur propre travail10.

Incapacité de retourner au travail

Sans exercer son droit de refus, un travailleur pourrait s’avérer dans l’incapacité de retourner au travail pour différents motifs, notamment sa condition médicale.  Une telle incapacité peut constituer un motif légitime d’absence. L’employeur peut, dans certains cas, exiger un certificat médical justifiant l’absence du travailleur.

Pour les travailleuses enceintes ou qui allaitent, la CNESST a allégé la procédure de traitement de son programme « Pour une maternité sans danger » (PSMD). Les travailleuses peuvent cesser de travailler avant de consulter leur médecin lorsque le danger de COVID-19 est présent, et sous certaines conditions.

Bien que les personnes âgées de 70 ans et plus soient invitées par les autorités à limiter leurs déplacements, il ne leur est pas interdit de continuer à travailler. Il est de la responsabilité de l’employeur et du travailleur d’évaluer la situation spécifique et de prendre les mesures de protection qui s’imposent.

Rappelons qu’un travailleur qui ressent des symptômes de la COVID-19 (toux, fièvre, difficultés respiratoires, fatigue extrême, perte soudaine du goût ou de l’odorat) doit en informer son employeur sans délai et contacter le 1-877-644-4545 pour obtenir une évaluation de son état de santé et être dirigé vers l’une des cliniques désignées de sa région.

Le Décret d’urgence sur l’isolement obligatoire11 impose également un isolement de 14 jours pour toute personne qui revient de l’étranger, sous peine d’amende ou d’emprisonnement.

Pour toute question concernant l’exercice du droit de refus ou les motifs d’incapacité de retour au travail, adressez-vous aux membres de notre équipe de droit du travail ici ou aux auteurs du présent billet.

Me André JohnsonAssocié
Andre.Johnson@steinmonast.ca
418 640-4416
Me Catherine Cloutier, Associée
Catherine.Cloutier@steinmonast.ca
418 640-4424

1 RLRQ, c. S-2.1 (« LSST »).
2 Art. 12, LSST.
3 Art. 13, LSST.
4 Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec et Québec (Ministère de la Sécurité publique) (Détention), 2007 QCCLP 4912.
5 Art. 25, LSST.
6 Art. 16, LSST.
7 Art. 8 et 19, LSST.
8 Art. 17, LSST.
9 Art. 30 LSST.
10 Art. 28 LSST.
11 C.P. 10 – Décret no 2 visant la réduction du risque d’exposition à la COVID-19 au Canada (obligation de s’isoler), adopté en vertu de la Loi sur la mise en quarantaine, L.C., 2005, ch. 20.

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