SURVOL DE CERTAINS DÉLAIS EN MATIÈRE D’ASSURANCE DE DOMMAGES À CONSIDÉRER MALGRÉ LA PANDÉMIE

6 avril 2020

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Paiement de la prime

Afin de maintenir leur couverture d’assurance, les assurés doivent payer leur prime d’assurance. Considérant la situation actuelle, plusieurs s’interrogent quant à leur incapacité temporaire à payer leur prime d’assurance. En cas de retard ou de non-paiement, qu’adviendra-t-il de leur couverture d’assurance ?

Le non-paiement de la prime n’entraine pas la résiliation automatique du contrat1. D’ailleurs, le Code civil prévoit que l’assureur peut soit déduire du paiement de l’indemnité à l’assuré le montant de prime due, soit poursuivre l’assuré pour son recouvrement2.  Ceci étant, moyennant un préavis écrit à l’assuré à sa dernière adresse connue, l’assureur pourra résilier le contrat3, sans nécessité de préciser le motif de la résiliation4. Le contrat prendra fin quinze (15) jours après la réception du préavis par l’assuré. Or, dans le contexte actuel, plusieurs personnes peuvent s’absenter de leur entreprise pour une période indéterminée. En pareille situation, il appartiendra à l’assureur de démontrer que l’assuré a bien reçu le préavis écrit de résiliation, la simple preuve de transmission étant insuffisante5.

Il en va autrement pour le contrat d’assurance automobile qui est régit par la Loi sur l’assurance automobile6. Si, au cours des soixante (60) premiers jours de l’entrée en vigueur de la police, un assureur peut, au moyen d’un simple avis, obtenir la résiliation du contrat dans les quinze (15) jours suivant la réception de cet avis7, une fois ces soixante (60) premiers jours passés, l’assureur ne pourra obtenir la résiliation que s’il invoque le non-paiement de la prime, ou une aggravation du risque8. Dans ce cas, la résiliation prendra effet trente (30) jours après réception de l’avis écrit9. Encore une fois, il reviendra à l’assureur d’établir la preuve de réception de l’avis par l’assuré, preuve qui pourrait être plus difficile dans le contexte actuel10.

Déclaration d’un sinistre

Lorsqu’un sinistre survient, l’assuré doit le déclarer à son assureur dès qu’il en a eu connaissance11. À défaut, l’assureur qui subit un préjudice pourrait lui opposer toute clause de sa police prévoyant la déchéance du droit à l’indemnisation pour ce manquement.

L’objectif est de permettre à l’assureur de faire son enquête rapidement et de prendre en outre les dispositions qui s’imposent pour contrôler les dommages subis par son assuré ou encore, prendre les mesures nécessaires afin de protéger les droits et recours de l’assuré dont, par exemple, par la transmission d’avis à des tiers ou encore par la rétention d’experts pour établir la cause d’un sinistre.

Ainsi, malgré la pandémie actuelle, les assurés doivent continuer à agir avec une diligence raisonnable, et déclarer tout sinistre dès leur connaissance. Rappelons que l’assuré est tenu d’agir avec la plus haute bonne foi envers son assureur.

Par ailleurs, le retard de l’assuré à rapporter le sinistre ne justifiera pas automatiquement un refus d’indemniser de l’assureur. Encore faut-il que ce dernier en subisse un préjudice12 et que la police d’assurance le prévoie expressément, ce qui est habituellement le cas. Aussi, un assureur ne devrait pas pouvoir valablement invoquer un préjudice qui résulte de ses propres agissements ou encore de ceux de ses mandataires. À titre d’exemple, un assuré ne pourra se faire opposer le retard de l’avis, si celui-ci est imputable à un agent ou courtier d’assurance mandataire de l’assureur13. Malgré la pandémie,  l’assuré devrait faire preuve de prudence et aviser du sinistre tant son courtier que son assureur directement dès qu’il en a connaissance.

Obligation d’indemniser de l’assureur

En matière d’assurance de dommages, un assureur a l’obligation d’indemniser son assuré dans les 60 jours suivant la réception de la déclaration de sinistre14 ou suivant la réception des renseignements et pièces justificatives demandés par l’assureur. Rappelons que l’assuré a l’obligation de collaborer avec son assureur en lui communiquant toutes circonstances entourant le sinistre ainsi que les pièces justificatives requises par ce dernier15.

L’expiration de ce délai aura principalement pour effet d’établir la date de départ pour le calcul :

  • du délai de prescription de trois ans du recours de l’assuré contre son assureur pour qu’il exécute son obligation d’indemnisation16
  • des intérêts et de l’indemnité additionnelle sur l’indemnité qui devait être versée le cas échéant, et ce, même en l’absence de mise en demeure17.

Aussi, dans la mesure où l’assureur est dans l’attente des renseignements pertinents et des pièces justificatives de l’assuré ou encore, si l’assureur a déjà débuté le versement des indemnités dans les délais requis, ce dernier pourrait difficilement se faire reprocher d’être en défaut d’exécuter son obligation dans les délais.

Qu’advient-il de ce délai en cas de pandémie et d’évènements en découlant telles que les mesures d’urgence mises en place par l’État ? Il est possible que certains assureurs ne soient pas en mesure de s’acquitter de leurs obligations dans les délais usuels en raison notamment de la non-disponibilité de certains biens ou de fournisseurs, ou encore en raison d’effectifs réduits. Certains pourraient y voir des évènements de nature de la force majeure en raison de leurs caractères imprévisible, irrésistible et extérieur, les empêchant de remplir leur obligation d’indemnisation dans les délais requis. Si cette situation mène à un litige, le tribunal devra apprécier les faits entourant le comportement de l’assureur, lequel devra préalablement avoir tout mis en œuvre afin de remplir son obligation, et ce, même si le contexte accroît la difficulté de s’exécuter dans les délais. Les assureurs ont donc tout intérêt à prendre les moyens nécessaires et possibles pour remplir leur obligation, peu importe les circonstances. Finalement, les circonstances actuelles ne dispensent pas les assureurs de leur devoir d’agir avec la plus haute bonne foi dans le traitement des réclamations de leurs assurés.

Pour des questions relativement aux délais en matière d’assurance, adressez-vous aux membres de notre équipe en droit des assurances ici ou encore, aux auteurs du présent billet :

Me Marie-Hélène Bétournay , Associée
marie-helene.betournay @steinmonast.ca  
418 640-4454

Me Ruby Riverin-Kelly, Avocate
ruby.riverin-kelly@steinmonast.ca
418 640-4446

 Me Nicolas Dubé, Avocat
nicolas.dube@steinmonast.ca
418 640-4445


1 Didier LLUELLES, Précis des assurances terrestres, 5e édition, 2009, révisée en 2014, p.274.
2 Article 2469 du Code Civil du Québec (« C.c.Q »).
3 Article 2477 C.c.Q.
4 Nkana c. La Garantie, compagnie d’assurances de l’Amérique du Nord, 2018 QCCS 4265, par. 105
5 Bergeron c. Laurentienne vie du Canada, 1998 CanLII 10861 (QC CQ) (conf. C.A., 2003-02-06). À noter que la Loi sur la Société canadienne des postes (ci-après « LSCP ») crée une présomption de réception par le destinataire lorsque le courrier est distribué par la Société des postes (Article 2 (2) LSCP). À noter qu’il s’agit d’une présomption qui peut être réfutée par une preuve contraire.
6 Ci-après « L.A.A. ».
7 Article 91 al.1 L.A.A.
8 Article 91 al. 2 L.A.A.
9 Article 91 al.3 L.A.A.
10 À titre d’exemple, l’avis transmis à l’étudiant qui s’absente de son appartement ou de sa résidence étudiante pendant la période de confinement afin de se reloger temporairement au domicile familial.
11 Article 2470 C.c.Q.
12 Comme par exemple l’incapacité pour l’assureur de contrôler l’étendue des dommages et de faire une expertise sérieuse pour identifier la/les cause(s) du sinistre, voir D. LUELLES, préc. Note 2 p. 277
13 Patrick c. Maryland Casualty Co., [1970] C.A. 1049
14 Article 2473 C.c.Q.
15 Article 2471 C.c.Q.
16 Bolduc c. SSQ, société d’assurances générales, 2010 QCCQ 19817. Cependant, puisque ce délai est susceptible d’être aléatoire, pour éviter toute difficulté, l’assuré devrait introduire un recours dans les 3 ans de la date du sinistre ou de sa connaissance.
17 Cousineau c. Intact, Compagnie d’assurances, 2019 QCCA 1022, par. 72. En ce sens, l’assureur est constitué en demeure d’exécuter son obligation d’indemniser par le seul effet de la loi (article 1594 al.2 C.c.Q.).

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