Les sûretés en matière de louage commercial

27 mai 2021

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Dépôt de garantie 

Le dépôt de garantie est une somme d’argent que le locataire remet au bailleur pour garantir l’exécution de ses obligations. Conservée durant la durée du bail, cette somme servira à remédier aux défauts de paiement du loyer ou de toute autre somme due par le locataire aux termes du bail. Le dépôt peut également compenser les dommages subis en raison du défaut du locataire1. Lorsque le bailleur utilise tout ou partie du dépôt en cours de bail, il peut demander que le locataire lui remette la somme utilisée.

Il est important de noter qu’en cas de faillite du locataire, le dépôt de garantie demeure dans le patrimoine du locataire-failli et fait conséquemment partie des biens devant être remis au syndic de faillite. Pour cette raison, il pourrait être prudent que le bail prévoie plutôt une clause de « loyer prépayé » au lieu du « dépôt de garantie ». Dans le cas d’un loyer payé d’avance, les sommes payées deviennent la propriété du bailleur et ne pourront être ultérieurement revendiquées par un syndic2.

Le dépôt de garantie est parfois qualifié de gage ou maintenant d’hypothèque mobilière avec dépossession, exigeant de transmettre les préavis d’exercice requis en matière hypothécaire avant de l’utiliser.

Lettre de crédit ou de garantie

La lettre de crédit est émise par l’institution financière du locataire, laquelle s’engage, en cas de défaut du locataire, à verser la somme convenue3. Les avantages découlant de cette lettre appartiennent au bailleur, même en cas de faillite du locataire. Pour réclamer le montant prévu, le bailleur remet une simple déclaration écrite faisant état du défaut du locataire aux termes du bail, preuves à l’appui, si requis4.

Lors de l’obtention d’une telle lettre, le bailleur doit porter attention à sa durée, qui est généralement d’un an. Le bailleur devra s’assurer qu’une clause du bail oblige le locataire à renouveler annuellement cette garantie et qu’il lui transmette la preuve de renouvellement dans un délai raisonnable avant l’expiration de la lettre de crédit5.

Le cautionnement

Le cautionnement est un contrat conclu entre un tiers et le bailleur, par lequel le tiers s’engage à exécuter les obligations du locataire en défaut6. Il doit être explicitement stipulé au bail puisqu’on ne peut présumer son existence7.

Il pourrait être avisé de stipuler également que la caution s’oblige de manière solidaire avec le locataire et qu’elle renonce au « bénéfice de discussion » et au « bénéfice de division ». Cette stipulation simplifie le recours du bailleur contre la caution, puisqu’elle sera directement tenue de remédier au défaut du locataire, qu’importe les recours parallèles intentés par le bailleur contre son locataire8.

Il sera également important de stipuler que le cautionnement restera en vigueur en cas de renouvellement du bail.

Avant de conclure un contrat de cautionnement et même subséquemment, le bailleur doit renseigner la caution et lui donner les informations utiles concernant notamment les obligations principales du locataire, les modalités de ces obligations et leurs défauts d’exécution9. En gardant la caution informée, le bailleur prévient le risque de voir le contrat de cautionnement réduit ou annulé.

Cependant, rien ne garantit que la caution sera solvable au moment requis. Bien que moins usuel en matière de louage commercial, un bailleur pourrait exiger que le cautionnement soit également garanti par une sûreté personnelle ou réelle.

L’hypothèque mobilière

Cette hypothèque sans dépossession grève habituellement les biens situés dans les locaux loués, quoiqu’elle pourrait, en principe, s’étendre à tous les biens meubles du locataire.

Cette garantie comporte plus de formalités que celles précédemment décrites. L’hypothèque doit être constatée par un écrit qui comporte plusieurs mentions quant à la valeur, à la nature et à l’obligation qu’elle garantit. De plus, pour être opposable aux tiers, elle doit être publiée au Registre des droits personnels et réels mobiliers (le « RDPRM »)10.

Cette hypothèque prendra rang à la date et à l’heure où elle aura été publiée au RDPRM. Le prêteur institutionnel du locataire y aura souvent déjà publié une hypothèque mobilière de premier rang sur l’universalité des biens meubles du locataire, ou pourrait réclamer un rang prioritaire sur ses actifs en cours de bail. Ce prêteur aura ainsi souvent priorité sur la totalité ou une partie des biens meubles du locataire en cas d’exercice d’un recours hypothécaire.

De plus, en cas de faillite du locataire, l’hypothèque mobilière consentie par un locataire en faveur du bailleur ne sera pas opposable au syndic de faillite. Dans la décision Restaurant Ocean Drive inc.11, la Cour d’appel souligne que le bailleur bénéficie du statut de créancier prioritaire par l’effet de l’article 136(1)f) de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et que cet article prime sur les dispositions relatives à l’ordre de collocation prévues au Code civil du Québec12.

Ainsi, le bailleur ne pourra pas réaliser cette garantie en cas d’insolvabilité de son locataire, mais son statut de créancier prioritaire lui permettra d’exiger l’équivalent de trois mois d’arrérages de loyer et, si une disposition du bail le prévoit, trois mois de loyer exigibles par anticipation, le tout jusqu’à concurrence de la valeur de réalisation des biens situés dans les lieux loués. Pour toutes ces raisons, cette garantie n’est pas la plus avantageuse.

Il est à l’avantage du bailleur et du locataire d’obtenir l’avis de leur conseiller juridique respectif avant la signature du bail commercial afin de comprendre la nature, l’étendue et les limites de chaque garantie.

Pour toute question relative à l’exercice de vos droits, adressez-vous aux membres de notre équipe de droit corporatif ici ou encore à l’auteure du présent billet :

Me Sophie Vachon-Therrien, Avocate
Sophie.Vachon-Therrien@steinmonast.ca
418-476-3619


L’autrice remercie Mme Emily Martin, stagiaire en droit, pour son apport au présent billet.

1 Denys-Claude Lamontagne et Bernard Larochelle, Droit spécialisé des contrats, Volume 1 : Les principaux contrats : la vente, le louage, la société et le mandat, 2000, au para 669.
2 Mireille Cloutier, « Dispositions particulières à certains baux commerciaux », dans JurisClasseur Québec, coll. « Droit civil », Contrats nommés I, fasc. 24 (QL), au no 67.
3 René Gauthier, « Chapitre IV – Les sûretés relatives aux baux », dans Collection de droit 2020-2021, École du Barreau, vol. 6, Obligations et contrats, Cowansville (QC), Éditions Yvon Blais, à la p 332.
4 Ibid.
5 Cloutier, Op cit. note 2, au no 77.
6 Ibid, au no 68.
7 Article 2335 du Code civil du Québec.
8 Article 2352 du Code civil du Québec.
9 Vincent Karim, Le cautionnement personnel en droit québécois, Montréal, Wilson & Lafleur, 2019 aux p. 16-17 et 73-74.
10 Lamontagne et Larochelle, Op cit note 1, au para 666.
11 Restaurant Ocean Drive inc. c. Sam Levy & associés inc., 1997 CanLII 10235 (QC CA), au para 41.
12 Lamontagne et Larochelle, Op cit note 1, au para 676.

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