Quand les relations d’affaires et la clause de non-concurrence s’harmonisent…

12 novembre 2020

Crédit: Pexels Hiva Sharifi

Cet article paraîtra dans l’édition de novembre 2020 du magazine immobilier Espace Québec.

Aux termes d’une entente conclue par deux propriétaires voisins, l’un d’eux accepte une clause restrictive d’usage et s’engage à la faire respecter par tout tiers acquéreur. Cela aura donc pour effet de maintenir la clause en vigueur tant et aussi longtemps que l’entreprise ou le tiers acquéreur exercera ses activités. L’un des propriétaires vend son immeuble et le nouvel acquéreur s’engage à respecter ladite clause. Ce dernier soutient toutefois, quelque temps après la vente, qu’elle est invalide puisqu’elle ne comporte pas de terme, ce qui la rendrait contraire à l’ordre public. L’autre propriétaire soutient plutôt que cette clause n’est pas contraire à l’ordre public et que le contexte dans lequel elle a été négociée doit nécessairement être pris en considération dans l’analyse de sa validité.

La Cour d’appel se prononce                      

La Cour d’appel est d’avis que la Cour supérieure, ayant jugé la clause invalide, a erré et infirme donc le jugement de première instance. Afin de soutenir que la clause restrictive de commerce est raisonnable, elle s’appuie notamment sur l’arrêt Uniprix c. Gestion Gosselin et Bérubé inc.1 dans lequel une clause avec une durée déterminée et un renouvellement automatique, ayant ainsi un caractère perpétuel, avait été jugée valide.

D’abord, bien qu’il n’y ait pas de date d’échéance prévue explicitement à la clause restrictive, cette échéance reste déterminable par les parties et le fait qu’une partie ait la faculté de maintenir cette clause en vigueur n’est pas contraire à l’ordre public :

« Le fait que l’arrivée du terme dépende de la décision d’une seule des parties ne rend pas nécessairement la clause invalide ou contraire à l’ordre public. »2

Se basant erronément sur l’absence de terme, la Cour supérieure a également omis de considérer le contexte commercial dans lequel des partenaires d’affaires avertis ont négocié la clause restrictive de commerce. En effet, les modalités de l’entente avaient été négociées en conséquence et le nouvel acquéreur s’était engagé à respecter la clause restrictive de commerce en toute connaissance. Il ne pouvait donc pas prétendre par la suite qu’elle était invalide. Afin de protéger les intérêts légitimes des parties dans ce contexte, la Cour d’appel soutient la raisonnabilité de la clause.

Par ailleurs, nous rappelons que dans l’arrêt Épiciers Unis Metro-Richelieu c. The Standard Life Assurance Co3, la Cour d’appel avait décidé que, malgré que certaines clauses restrictives d’usage étaient rédigées comme des servitudes réelles et perpétuelles, elles constituaient plutôt des obligations personnelles n’engageant que les parties s’y étant formellement engagées. Ainsi, dans l’affaire résumée plus haut, si le tiers acquéreur ne s’était pas formellement engagé à respecter la clause restrictive d’usage, il n’aurait pas été tenu responsable en cas de son non-respect.

Il n’est pas rare toutefois de voir les acteurs plus sophistiqués de l’industrie immobilière et leurs professionnels prévoir dans un seul et même contrat, les clauses restrictives déclinées sous plusieurs formes, c’est-à-dire sous forme d’obligation personnelle mais aussi sous forme de servitude, au cas où la jurisprudence évoluerait dans le futur!

Conclusion

Il est donc important d’aller au-delà des mots prévus au contrat et de se pencher sur la manière et le contexte dans lesquels ces mots ont été écrits, notamment lorsqu’il s’agit d’un contexte commercial où les parties ont beaucoup de latitude quant au contenu. Dans un contexte de relation d’affaires, où les parties négocient et sont représentées par des professionnels, cela a d’autant plus d’importance. Ceci dit, bien que les circonstances soient non négligeables comme le mentionne la Cour d’appel, nous vous rappelons l’importance de prévoir un contrat clair, révélateur de l’intention réelle des parties, qui peut survivre aussi bien à l’écoulement du temps qu’à l’évolution du droit.

Pour toutes questions relatives à cet article, adressez-vous aux membres de notre équipe de droit corporatif et commercial ici ou encore aux auteures du présent billet :

Me Karine Dionne, Associée
karine.dionne@steinmonast.ca
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Me Anaïs Welsh, Avocate
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418-640-4432


1 [2017] 2 R.C.S. 59.
2 Provigo Distribution inc. c. Complexe commercial de l’Île inc., 2020 QCCA 970, par. 26.
3 2001 CanLII 13299 (QC CA), par. 75-78.

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