La propriété intellectuelle en contexte d’achat vente d’entreprise

11 février 2021

Pexels: Helena Lopes

L’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle définit le terme « propriété intellectuelle » comme étant les « inventions; œuvres littéraires et artistiques; dessins et modèles; et emblèmes, noms et images utilisés dans le commerce. »1 Au Canada, on réfère plus couramment aux brevets, marques de commerce, droits d’auteur et dessins industriels qu’une personne peut détenir et utiliser dans le cadre de l’exploitation d’une entreprise.

Les actifs de propriété intellectuelle reçoivent de nos jours un traitement équivalent à celui accordé aux actifs corporels (ou tangibles), tels que les équipements ou les inventaires, et ce, peu importe le secteur d’activité de l’entreprise. Cette nouvelle réalité met en lumière l’importance que devrait accorder tout acheteur ou vendeur potentiel d’une entreprise aux mesures à mettre en place et aux vérifications à effectuer au moment d’une telle transaction afin de s’assurer de la liberté d’exploitation de l’entreprise et de faciliter le processus de vérification diligente.

Vérification diligente

Un processus de vérification diligente complet et efficace, visant notamment la propriété intellectuelle, devrait précéder toute acquisition. Pour ce faire, il est primordial que le vendeur documente adéquatement l’origine du titre des éléments de propriété intellectuelle transférés directement ou indirectement dans le cadre de la transaction ainsi que toute protection dont un tel actif peut bénéficier. Il ne faut pas minimiser l’importance qu’une documentation inadéquate peut avoir sur la transaction envisagée. C’est en effet sur la base de cette documentation que l’acheteur potentiel et ses conseillers légaux effectueront des vérifications critiques qui permettront à l’acheteur de déterminer s’il ira de l’avant ou non avec la réalisation de la transaction envisagée.

Cette documentation varie mais comprend usuellement les éléments suivants : (i) une liste de tous les droits de propriété intellectuelle détenus ainsi que les demandes en cours visant l’enregistrement ou la protection de ces droits, (ii) une liste de tous les actifs de propriété intellectuelle servant à l’exploitation de l’entreprise, notamment ceux qui sont utilisés en vertu d’une licence, dont les logiciels, (iii) une liste de tout secret commercial, savoir-faire et information confidentielle qui ne bénéficient pas d’une protection quelconque et qui seraient essentiels à l’exploitation de l’entreprise, (iv) une liste ainsi qu’une copie des différentes conventions relatives aux droits de propriété intellectuelle, notamment les contrats d’emploi incluant des clauses de cession de propriété intellectuelle, (v) une liste de tout litige, en cours ou anticipé, visant les droits de propriété intellectuelle, (vi) une liste de tous les noms de domaines et comptes de réseaux sociaux utilisés par l’entreprise ciblée, (vii) une liste des territoires où l’entreprise ciblée exploite activement ses droits de propriété intellectuelle, et (viii) toute autre documentation et information additionnelle qui seraient pertinentes pour l’acheteur afin d’évaluer les droits de propriété intellectuelle et la transaction envisagée.

Représentations et garanties, annexes de divulgation et indemnisation

Lors du processus de vérification diligente et de négociation de la convention d’achat-vente d’actifs ou d’actions, l’acheteur voudra s’assurer (i) que les actifs de propriété intellectuelle qu’il entend acquérir ou qui servent à l’exploitation de l’entreprise ciblée sont la propriété exclusive de la personne qui l’exploite, libres et quittes de toute charge, (ii) que les actifs de propriété intellectuelle qui ne sont pas la propriété exclusive de la personne qui exploite l’entreprise font l’objet d’une licence permettant leur utilisation de manière satisfaisante pour l’acheteur, (iii) qu’il n’existe aucune poursuite ou menace de poursuite pouvant affecter le titre de propriété dans les actifs de propriété intellectuelle visés ou leur utilisation, notamment en ce qui concerne la violation des droits de tiers, et (iv) qu’il pourra autrement bénéficier de la liberté d’exploitation des actifs de propriété intellectuelle visés.

Le vendeur quant à lui tentera de limiter sa responsabilité à ce qu’il contrôle réellement et dont il a connaissance, de même qu’à la période de temps qui précède la date de clôture de la transaction envisagée. Généralement, l’atteinte de ces objectifs se fera aux termes de la négociation des clauses de représentations et garanties, et de la préparation des annexes de divulgation y afférentes. Ces dernières consistent en une liste d’exceptions aux représentations et garanties et d’informations importantes relativement à l’entreprise ciblée. Ces annexes constitueront une pleine divulgation à l’acheteur de faits pertinents ou d’irrégularités potentielles existants à la clôture ou ayant pris naissance antérieurement à celle-ci.

Il est crucial pour le vendeur de compléter adéquatement les annexes de divulgation qui constituent généralement l’un des derniers éléments devant être complétés avant la clôture d’une transaction et qui peut être négligé, faute de temps. Elles sont d’une importance capitale pour le vendeur puisque si le contenu des représentations et garanties et des annexes de divulgations est faux, trompeur ou incomplet et qu’un événement préjudiciable survient après la clôture, l’acheteur pourrait présenter une réclamation, le tout sujet aux clauses d’indemnisation de la convention d’achat-vente d’actifs ou d’actions.

En effet, les clauses d’indemnisation serviront à préciser la portée et les modalités d’indemnisation en cas de contravention à l’une ou plusieurs des représentations et garanties. Certains éléments des clauses d’indemnisation peuvent être âprement négociés par les parties afin de limiter ou d’étendre les possibilités d’indemnisation dont bénéficiera l’acheteur, soit notamment (i) l’étendue et la durée de l’obligation d’indemnisation, (ii) la présence ou non d’un plancher ou d’un plafond d’indemnisation et leur montant respectif, ainsi que (iii) le montant et le type de déductible applicable à toute réclamation de l’acheteur. Vu l’importance grandissante de cette catégorie d’actifs dans les transactions, les acheteurs tenteront d’obtenir des obligations d’indemnisation distinctes, plus onéreuses et plus restrictives en matière de propriété intellectuelle.

Conclusion

Force est de constater que la propriété intellectuelle prend une place de plus en plus importante en tant qu’actif dans le paysage en constante évolution des fusions et acquisitions. Il est donc essentiel pour une entreprise de tenir à jour son portefeuille de propriété intellectuelle, ainsi que toute information et documentation s’y rattachant, et ce, avant même d’être impliquée dans toute discussion d’achat-vente afin de faciliter d’éventuelles négociations.

Pour toute question relative aux acquisitions et à la propriété intellectuelle, communiquez avec un membre de notre équipe de droit des affaires ici ou avec l’un des auteurs du présent billet :

Me Keven Godin, Associé et Agent de marques de commerce
keven.godin@steinmonast.ca
418 640-4457

Me Eric Laplante, Avocat
eric.laplante@steinmonast.ca
418 649-4016


1 https://www.wipo.int/about-ip/fr/

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