Police d’assurance chantier: Quand a lieu la fin des travaux?

17 septembre 2020

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Les polices d’assurance responsabilité civile globale de chantier (aussi appelées les polices d’assurance chantier ou polices wrap-up) sont souvent exigées par les propriétaires ou donneurs d’ouvrages, en vue d’un projet de construction. Ce type de police a notamment l’avantage de couvrir la responsabilité de tous les intervenants, plutôt que de reposer sur la couverture d’assurance spécifique de chacun des corps de métier, ce qui entraînerait potentiellement des débats multiples à la suite d’un sinistre.

Si des dommages surviennent après la fin des travaux, la police d’assurance chantier prévoit habituellement qu’ils pourraient tout de même être couverts selon certaines conditions et pour une certaine période additionnelle, d’où l’importance de déterminer la date de fin des travaux au sens de la police. Quoique simple en apparence, la réponse à cette question dépendra grandement de la façon dont sont rédigées les polices d’assurance et des circonstances pouvant varier d’un chantier à l’autre.

Par exemple, dans un arrêt récent, Constructions Reliance inc. (Constructions Reliance du Canada ltée) c. Compagnie d’assurances Temple1, la Cour devait justement déterminer la date de fin des travaux pour savoir si l’assureur de la police chantier devait indemniser ou non l’entrepreneur pour des dommages causés au projet de construction d’un condominium. L’immeuble avait été endommagé en raison du déclenchement accidentel du système de gicleurs par la faute d’un sous-traitant, alors qu’il exécutait des travaux de peinture.

Dans ce cas spécifique, la police d’assurance prévoyait que la couverture incluait les dommages dont la responsabilité incombe à un assuré, dans la mesure où ils résultent des travaux assurés, en lien avec le projet de construction2, sauf si les dommages sont causés au projet lui-même3. Cependant, la police couvrait tout de même les risques survenus après les travaux4 pour une période de 24 mois suivant l’expiration de la police5. Ainsi, pour être couverts, les dommages devaient donc être survenus après la fin des travaux.

La police d’assurance prévoyait quatre situations permettant de conclure à la fin des travaux, la date la plus rapprochée devant constituer la date retenue, soit :

(1) lorsque les travaux de l’assuré visés par le contrat de construction sont complétés;

(2) lorsque les travaux de l’assuré visés par le projet de construction sont complétés;

(3) lorsque la portion des travaux de l’assuré causant le dommage est dorénavant utilisée aux fins prévues (« has been put to its intended use »); ou

(4) lorsque les travaux de l’assuré ont été acceptés par ou au nom du propriétaire.

Dans la présente situation, au moment de la survenance du sinistre, près de 80 % de l’immeuble était déjà habité par les copropriétaires et l’architecte avait émis le certificat d’achèvement substantiel des travaux. Comme les lieux étaient majoritairement habités, l’entrepreneur alléguait que l’immeuble était utilisé à sa fin prévue et que la fin des travaux avait eu lieu. Or, la Cour d’appel a conclu que les travaux n’étaient pas terminés au sens de la police d’assurance chantier et donc, dans ce cas-ci, que les dommages n’étaient pas couverts.

En effet, le certificat de fin des travaux de l’architecte était accompagné d’une liste de déficiences, laquelle visait, entre autres, les travaux de peinture. Or, le sinistre survenu découlait justement de la réalisation des travaux de peinture. Selon la Cour, de par la nature même de ce type de travaux, tant qu’ils ne sont pas entièrement terminés, on ne peut conclure qu’ils sont utilisés aux fins pour lesquelles ils sont destinés, et ce, sans égard au fait que la majorité des unités avait commencé à être occupée par les copropriétaires.

De plus, en ce qui a trait au concept d’acceptation au nom du propriétaire, il faut ajouter que l’acceptation finale des travaux doit provenir clairement de ce dernier et qu’une acceptation par l’architecte ou l’entrepreneur général ne remplit pas nécessairement cette exigence selon la Cour.

Il est important de souligner toutefois que chaque situation est différente et que la détermination de la date de fin des travaux au sens d’une police d’assurance chantier, de par son caractère essentiellement factuel, dépendra toujours du texte précis de chaque police d’assurance applicable et du type de chantier, d’immeuble et de travaux réalisés.

Pour toute question concernant les polices d’assurance responsabilité civile globale de chantier, adressez-vous aux membres de notre équipe de litige en assurance ici, ou aux auteures du présent billet.

Me Jessica Gauthier, Associée
jessica.gauthier@steinmonast.ca
418-640-4434

Me Catherine Pilote-Coulombe, Avocate
catherine.pilote-coulombe@steinmonast.ca
418-640-4445


1 2020 QCCA 947.
2 « To pay on behalf of the Insured all sums which the Insured shall become legally obligated to pay […] for damages arising out of the Insured’s Work in connection with the Insured Project ».
3 « This policy does not apply to any liability: […] Injury to, or destruction of […] property […] either forming part of or to form part of the Insured Project »
4 « This exclusion does not apply during any extension beyond the expiry date of the policy with respect to the Products Hazard and Completed Operations Hazard as defined herein ».
5 « Completed Operations: As respects the Completed Operations Hazard, the policy shall nevertheless continue to apply for a period of 24 months following such date of termination »

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