Nouvelles obligations pour les agences de placement et de recrutement à l’horizon

21 juin 2019

Par Me Jérémie Langevin, associé, et Me Jean-Alexandre Savard, avocat

Les agences de placement occupent une place importante dans le modèle d’affaires de plusieurs entreprises du Québec. Avec la révision récente de la Loi sur les normes du travail, le gouvernement du Québec a décidé d’encadrer la pratique de telles agences.

Permis obligatoire, salaires équivalents et responsabilité solidaire

Le 12 juin 2018, l’Assemblée nationale du Québec adoptait le Projet de loi n 176 – Loi modifiant la loi sur les normes du travail et d’autres dispositions législatives afin principalement de faciliter la conciliation famille-travail (le « Projet de loi 176 »).

Les amendements apportés à la Loi sur les normes du travail (la « LNT ») par le Projet de loi 176 annonçaient déjà d’importantes obligations et responsabilités pour les agences de placement de personnel et les agences de recrutement de travailleurs étrangers temporaires.

En effet, le nouvel article 92.5 LNT prévoit que « nul ne peut exploiter une agence de placement de personnel ou une agence de recrutement de travailleurs étrangers temporaires, s’il n’est titulaire d’un permis délivré par la Commission [des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (la « CNESST »)], conformément à un règlement du gouvernement ». L’agence qui ne se conforme pas à cette obligation s’expose à une amende de 600 $ à 6 000 $ et, pour toute récidive, à une amende de 1 200 $ à 12 000 $ (nouvel art. 140.1 LNT).

De plus, le Projet de loi 176 introduit le nouvel article 41.2 LNT qui interdit à une agence de placement de personnel d’accorder « à un salarié un taux de salaire inférieur à celui consenti aux salariés de l’entreprise cliente qui effectuent les mêmes tâches dans le même établissement uniquement en raison de son statut d’emploi, notamment parce qu’il est rémunéré par une telle agence ou qu’il travaille habituellement moins d’heures par semaine ».

Enfin, le Projet de loi 176 modifie l’article 95 de la LNT en précisant que « [l]’agence de placement de personnel et l’entreprise cliente qui, dans le cadre d’un contrat avec cette agence, recourt aux services d’un salarié sont solidairement responsables des obligations pécuniaires fixées par la présente loi ou par les règlements » (paiement des vacances, du salaire, etc.).

Les amendements énumérés précédemment n’entreront toutefois en vigueur qu’au jour de l’adoption par le gouvernement d’un règlement à cet effet.

Projet de règlement sur les agences de placement de personnel et agences de recrutement de travailleurs étrangers temporaires

Le 10 avril 2019, le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale du Québec a publié un Projet de « Règlement sur les agences de placement de personnel et agences de recrutement de travailleurs étrangers temporaires » (le « Projet de Règlement ») dans la Gazette officielle du Québec.

Permis obligatoire

Ce Projet de Règlement vise à donner suite aux modifications apportées à la LNT par le Projet de loi 176. À cet égard, il instaure un régime de permis obligatoire pour quiconque exerçant les activités d’une agence de placement de personnel ou d’une agence de recrutement de travailleurs étrangers temporaires, tout en prévoyant les conditions de délivrance, de renouvellement et de maintien de chacun des permis.

Les agences et leurs dirigeants devront être en règle avec divers ministères et organismes d’état en plus de remplir divers critères. À titre d’exemple, une agence pourrait se voir refuser un permis si celle-ci est en défaut d’avoir produit les déclarations et les rapports devant être produits en vertu des lois fiscales.

Les droits exigibles pour un permis sont de 1 780 $ (indexés à chaque année) et tout permis devra être renouvelé tous les deux ans. Un cautionnement de 15 000 $ est également demandé pour les agences de placement de personnel, visant ainsi à indemniser les salariés en cas de non-paiement des sommes qui leur sont dues.

Protection des droits des salariés des agences

Le Projet de Règlement vise également à faciliter l’exercice par les salariés des droits protégés par la LNT. Il prévoit notamment l’obligation pour les agences de :

  • remettre au salarié qu’elles affectent auprès d’une entreprise cliente un document décrivant les conditions de travail qui lui sont applicables dans le cadre de cette affectation;
  • remettre les documents d’information rendus disponibles par la CNESST aux salariés concernant les droits de ces derniers et les obligations des employeurs en matière de travail;
  • rappeler à l’entreprise cliente les obligations en matière de santé et de sécurité du travail.

Par ailleurs, l’agence ne pourra exiger d’un salarié des frais pour son affectation auprès d’une entreprise cliente ou pour la formation exigée par cette affectation. De plus, l’agence ne pourra convenir de dispositions ayant pour effet d’empêcher l’embauche du salarié par l’entreprise cliente au-delà d’une période de six mois suivant le début de l’affectation du salarié.

Mesures administratives

La CNESST pourra suspendre ou révoquer le permis d’une agence en cas de contravention aux exigences prévues par le Projet de Règlement. L’agence dont le permis a été suspendu ou révoqué devra attendre deux ans avant de pouvoir présenter une nouvelle demande de permis à la CNESST.

Entrée en vigueur du Projet de Règlement

Le Règlement entrera en vigueur 15 jours après sa publication dans la Gazette officielle du Québec. Restez à l’affût !

Pour la version intégrale du projet de règlement, cliquez ici

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