Et si ce n’était pas vous qui deviez supporter les coûts afférents à la lésion professionnelle de votre employé ?

2 décembre 2019

Par Me Catherine Cloutier, associée

À l’occasion, le Tribunal administratif du travail (« TAT ») détermine qui doit se voir imputer les coûts d’une lésion professionnelle. Il s’est notamment prononcé cette année sur une lésion que s’était infligée une professeure en ouvrant une fenêtre difficile à manœuvrer dans sa classe (Commission scolaire de Laval – et – Alumicor Itée, 2019 QCTAT 2245).

Jugeant convaincante la preuve de l’employeur, le TAT a conclu que la lésion était attribuable à un tiers, soit l’entrepreneur général qui avait procédé à l’installation des fenêtres, et a décidé que les coûts associés à la lésion devaient être imputés uniquement au dossier de ce dernier.

Et si vous pouviez vous aussi éviter de supporter une partie ou la totalité du coût d’une lésion professionnelle dont votre employé est victime ? Voici ce que vous devez savoir pour commencer.

L’article 326 de la LATMP

Il est reconnu que lorsqu’un travailleur subit une lésion professionnelle, l’employeur de ce dernier se voit imputer le coût des prestations qui y sont reliées (article 326, alinéa 1 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (« LATMP »). Tel est le principe général d’imputation. Conséquemment, l’imputation de ces coûts affecte le dossier de l’employeur du travailleur auprès de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (« CNESST ») et est susceptible d’avoir un impact sur la cotisation qu’il paye annuellement.

Les articles 326 et 329 de la LATMP prévoient toutefois des exceptions à ce principe général.

En effet, le deuxième alinéa de l’article 326 prévoit, dans certaines circonstances, l’imputation des coûts à un tiers; l’objectif de la Loi étant de responsabiliser les employeurs sans qu’ils soient pour autant pénalisés. L’exception au principe général d’imputation des coûts au dossier de l’employeur implique toutefois une interprétation stricte et n’est possible que dans certains cas limités.

Plus précisément, deux situations permettent l’application de l’article 326.

Tout d’abord, si l’accident est attribuable à un tiers. L’employeur devra alors démontrer que sa survenance est majoritairement attribuable à ce tiers, c’est-à-dire que les agissements ou les omissions de ce dernier ont contribué pour plus de 50 % à la survenance de l’accident. Le tiers n’étant pas défini dans la loi, la jurisprudence retient qu’il peut s’agir de toute personne autre que le travailleur lésé, son employeur et les autres travailleurs exécutant un travail pour ce dernier (Commission scolaire de Laval – et – Alumico Ltée, 2019 QCTAT 2245).

Dans un tel cas, l’employeur doit prouver :

  • L’identité du tiers responsable;
  • Les raisons pour lesquelles il est majoritairement responsable de l’accident;
  • L’injustice au fait d’appliquer le principe général dans ce contexte.


Par ailleurs
, il peut aussi y avoir dérogation au principe général d’imputation des coûts si sans être spécifiquement attribuable à un tiers défini, l’application du principe général a pour effet d’obérer injustement un employeur. Il doit alors y avoir présence d’une situation d’injustice qui est étrangère aux risques habituels que l’employeur doit supporter en fonction du domaine dans lequel il opère et la proportion des coûts liés à cette injustice doit être significative par rapport aux coûts de l’accident. À titre d’exemple, on peut penser à l’interruption d’une assignation temporaire à la suite d’une maladie personnelle (Boiserie Expert inc., 2006 CanLII 67557 (QC CLP).

Dans un tel cas, l’employeur doit prouver :

  • L’injustice étrangère aux risques habituels que l’employeur doit supporter
  • Les répercussions financières de l’imputation à son dossier.

Dans deux cas, la CNESST peut soulever d’office une telle situation d’exception. Si elle ne le fait pas, l’employeur peut lui en faire la demande afin que les coûts soient imputés à une, plusieurs ou toutes les unités. Dans ce cas, la demande doit être faite par écrit avec les motifs justifiant le transfert et être présentée à la CNESST dans l’année suivant la date de l’accident (article 326, alinéa 3 de la LATMP).[1

Ce délai d’un an débute à partir de la date de l’accident, et ce, même si l’employeur n’en a pas encore connaissance (Services Matrec inc. 2018 QCTAT 5615). Le défaut de respecter ce délai d’un an entraîne automatiquement le rejet de la demande, vu le délai de prescription.

L’article 329 de la LATMP

Dans le cas où la lésion professionnelle survient alors que le travailleur est déjà handicapé, l’article 329 LATMP prévoit la possibilité que tout ou partie du coût des prestations soit imputé à l’ensemble des unités de classification.

La CNESST peut ici aussi agir d’office ou à la demande de l’employeur. La demande devra alors être présentée par écrit avant l’expiration de la troisième année suivant l’année de la lésion professionnelle. Il faudra, pour obtenir gain de cause, que l’employeur prouve le handicap du travailleur en démontrant la présence d’une déficience qui dévie la norme biomédicale ainsi que les effets ou les conséquences de ce handicap sur l’apparition de la lésion professionnelle.

Stein Monast peut vous aider à déterminer si une exception est applicable à un cas donné et, ainsi, vous permettre d’éviter que des coûts qui ne devraient pas l’être soient imputés à votre dossier et affectent votre cotisation.

N’hésitez pas à communiquer avec nous pour toute question à ce sujet.

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