L’octroi de dommages-intérêts punitifs, qu’en est-il ?

18 mars 2021

Pexels: Tingey Injury Law Firm

Dans un arrêt grandement médiatisé concernant un humoriste québécois, porté récemment en appel devant la Cour suprême du Canada1, la Cour d’appel aborde notamment la question des dommages intérêts-punitifs. Que représentent ces dommages? Quand peuvent-ils être obtenus? Me Julie Pamerleau fait une brève révision de ce concept juridique.

Pour qu’un demandeur obtienne que lui soit versée une somme d’argent à titre de dommages-intérêts punitifs, ils doivent impérativement être prévus par une loi, comme l’édicte l’article 1621 du Code civil du Québec (« C.c.Q. »). Par conséquent, ce n’est que dans certaines circonstances bien précises et déjà prévues par le législateur que ces dommages-intérêts punitifs pourront être demandés puis éventuellement octroyés par la Cour. Ces dommages demeurent une exception et, bien que souvent réclamés, ils sont rarement accordés.

Il importe de mentionner que les demandeurs, tout comme les tribunaux, utilisent souvent le terme « dommages exemplaires » au lieu de « dommages punitifs ». Il s’agit d’un synonyme auquel s’appliquent donc les mêmes principes.

Le but recherché par les dommages-intérêts punitifs

En raison de leur caractère exceptionnel, les situations où une condamnation à payer des dommages-intérêts punitifs peut être envisagée sont limitées aux cas de comportements jugés socialement inacceptables, que les tribunaux veulent punir2. Les dommages-intérêts punitifs ont également pour fonction de dissuader l’auteur de la faute et la population en générale de répéter ce comportement. Même lorsque l’auteur de la faute est décédé, la Cour peut octroyer des dommages-intérêts punitifs considérant le caractère d’utilité sociale et d’exemplarité que revêt ce type de condamnation. En ce sens, l’octroi d’une indemnité à titre de dommages-intérêts punitifs joue un rôle tant dissuasif que préventif.

Quelles lois prévoient l’attribution de dommages-intérêts punitifs?

La Charte québécoise

L’article 49 de la Charte des droits et libertés de la personne3 (« Charte ») édicte qu’en cas d’atteinte illicite ET intentionnelle à un droit ou à une liberté reconnu par la Charte, la victime peut obtenir que l’auteur de cette atteinte soit condamné à lui payer des dommages-intérêts punitifs. La victime devra prouver, selon la balance des probabilités, la survenance d’une atteinte illicite et son caractère intentionnel. La Cour suprême du Canada4 définit les critères d’application comme suit :

  • Atteinte illicite : violation d’un droit protégé par la Charte qui résulte d’un comportement fautif;
  • Atteinte intentionnelle : il ne s’agit pas de déterminer si l’auteur de l’atteinte avait la volonté de commettre la faute, mais plutôt s’il avait la volonté d’en entraîner le résultat. Il doit avoir été dans un état d’esprit qui dénote un désir de causer les conséquences de sa conduite fautive ou il doit avoir agi malgré qu’il ait eu connaissance des dommages que sa conduite fautive engendrerait5.

La Loi sur la protection du consommateur

D’autres lois à caractère social prévoient également l’octroi de dommages-intérêts punitifs, notamment la Loi sur la protection du consommateur6 (« LPC »), la Loi sur le Tribunal administratif du logementet la Loi sur la protection des arbres8.

Pour le régime de la LPC, la jurisprudence9 en la matière enseigne que des dommages punitifs pourront être octroyés dans les cas de violations intentionnelles, malveillante ou vexatoires et lorsque la conduite du commerçant ou du fabricant est marquée d’ignorance, d’insouciance ou de négligence sérieuse.

Les consommateurs n’ont pas à prouver que le commerçant avait l’intention de les tromper pour que des dommages punitifs soient accordés. Par ailleurs, la Cour devra également apprécier s’il y a eu, ou non, un changement d’attitude ou de comportement de la part du commerçant ou du fabricant suivant cette violation. Elle pourra alors, le cas échéant, revoir à la baisse le montant octroyé à titre de dommages-intérêts punitifs.

La détermination du montant octroyé à titre de dommages-intérêts punitifs

L’article 1621 C.c.Q. prévoit que le montant octroyé en dommages-intérêts punitifs ne peut pas excéder, en valeur, ce qui est suffisant pour assurer leur fonction préventive.

L’alinéa 2 de l’article 1621 C.c.Q. énonce les critères que la Cour doit prendre en considération pour déterminer le montant, soit notamment la gravité de la faute, la situation patrimoniale de l’auteur de la faute ou le montant déjà octroyé à titre de dommages et intérêts, et si ce montant est en tout ou en partie payé par un tiers.

La Cour d’appel10 souligne que les dommages punitifs n’ont pas un effet compensatoire mais bien dissuasif. Il s’agira donc de déterminer la somme la plus appropriée, soit la moins élevée qui permette d’atteindre l’effet dissuasif recherché.

Pour toute question relative à l’exercice de vos droits, adressez-vous aux membres de notre équipe  assurance, responsabilité civile et professionnelle ici ou encore à auteure du présent billet :

Me Julie Pamerleau, Associée
julie.pamerleau@steinmonast.ca
418-649-4014


 

1 Ward c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Gabriel et autres), 2019 QCCA 2042, paragr. 215 à 222.
2 Voir notamment De Montigny c. Brossard (Succession), [2010] 3 RCS 64.
3 RLRQ, c. C-12.
4 De Montigny c. Brossard (Succession), [2010] 3 RCS 64, notamment les paragr. 48-49 et 60.
5 Québec (Curateur public) c. Syndicat national des employés de l’hôpital St-Ferdinand, 1996 CanLII 172 (CSC), [1996] 3 RCS 211, paragr. 121.
6 L.R.Q., ch. P-40.1, voir article 272.
7 L.R.Q., ch. T-15.01, voir articles 54.10 et 63.2.
8 L.R.Q., ch. P-37, voir article 1.
9 Voir notamment Vidéotron c. Girard, 2018 QCCA 767.
10 Vidéotron c. Girard, 2018 QCCA 767.

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