DEVOIR DE COLLABORATION DE L’ASSURÉ : LES CONSÉQUENCES IMPORTANTES DU MANQUEMENT À CETTE OBLIGATION

13 août 2020

pexels-mentatdgt-1311518
De nos jours, rares sont ceux qui ne détiennent aucun contrat d’assurance pour couvrir les risques liés à leur responsabilité civile et aux éventuels dommages pouvant porter atteinte à leur patrimoine, que ce soit par le biais d’une  police d’assurance habitation, automobile ou  voyage. Toutefois, malgré la variété importante de couvertures d’assurance disponibles, elles ont toutes en commun certaines obligations qui découlent du contrat liant l’assureur et l’assuré. Les tribunaux ont récemment eu à traiter de l’une de ces obligations dans la cause Anderson c. Intact, compagnie d’assurances1, soit le devoir de collaboration incombant à l’assuré, ainsi que des lourdes conséquences résultant du défaut de collaboration.

En matière d’assurance, c’est la norme désignée « de la plus haute bonne foi » qui doit diriger autant l’assureur que l’assuré dans l’accomplissement de leurs obligations. Cette notion de la plus haute bonne foi implique notamment que l’assuré doit, pendant toute la durée de la police d’assurance, déclarer de sa propre initiative l’ensemble des circonstances susceptibles d’influencer un assureur raisonnable, notamment quant à l’appréciation du risque à couvrir ainsi que des modalités du contrat telle la prime. Dans le même sens, lorsqu’un sinistre survient, l’assuré a le devoir de collaborer avec son assureur afin de lui fournir toutes les informations permettant d’apprécier les circonstances entourant le sinistre2.

Dans l’affaire Anderson, le demandeur Charles Anderson ( « Anderson » poursuit son assureur Intact, compagnie d’assurances (« Intact ») lui réclamant le versement d’une indemnité d’assurance à la suite d’un incendie ayant causé la perte d’un immeuble. L’objet principal du litige résulte du refus par Intact d’indemniser Anderson en invoquant que ce dernier a contrevenu à son devoir de collaborer avec son assureur pendant l’enquête après sinistre. Essentiellement, Intact soutient que le contexte entourant l’acquisition de l’immeuble assuré permet d’inférer qu’Anderson a agi pour le compte d’autres personnes et donc, que celui-ci n’a pas l’intérêt requis pour contracter une police d’assurance sur l’immeuble. Intact prétend qu’Anderson a ainsi perdu son droit à l’indemnisation parce qu’il a été réticent à fournir des explications sur les rôles joués par les autres personnes dans l’achat de l’immeuble, en plus d’avoir fait de fausses déclarations.

Tel que le rappellent la Cour supérieure et la Cour d’appel dans leurs jugements respectifs3, pour qu’il y ait perte du droit à l’indemnisation en raison du manquement à l’obligation de collaboration, il faut que l’assuré ait agi avec mauvaise foi, d’une part, et que l’assureur en subisse un préjudice, d’autre part. Par ailleurs, toute déclaration mensongère de l’assuré aura pour conséquence la déchéance de son droit à l’indemnisation4. Dans le cas d’Anderson, le tribunal a relevé plusieurs de ses agissements démontrant son défaut de collaboration avec l’assureur ainsi que son manque de crédibilité5, notamment :

i. Refuse de fournir des précisions sur le rôle qu’il a joué dans la création de la société Hariolus impliquée dans la transaction immobilière, puis il donne des versions contradictoires à ce sujet;

ii. Ne précise pas au début de l’enquête que l’unique actionnaire de Hariolus est en fait sa mère et il donne ensuite des versions contradictoires quant au rôle de cette dernière dans le projet et dans Hariolus;

iii. Offre des explications contradictoires quant aux raisons qui l’ont mené à céder Hariolus à sa mère avant la transaction immobilière;

iv. Répond de manière évasive concernant une entente de partenariat qui serait intervenue entre Hariolus et lui-même, fournit des explications contradictoires à ce sujet et refuse de fournir une copie de ladite entente jusqu’au procès;

v. Ment quant aux versements des paiements hypothécaires en indiquant qu’ils étaient effectués par lui-même alors qu’ils étaient faits par Hariolus;

vi. Fournit des réponses contradictoires relativement au rôle d’autres investisseurs dans le projet immobilier.

Bien qu’Anderson ait accepté de rencontrer les experts en sinistre et de participer à un interrogatoire statutaire, le tribunal indique qu’il n’en demeure pas moins que celui-ci savait que l’implication de sa mère et de la société était au cœur de l’enquête d’Intact et qu’il a tout de même « délibérément entretenu le flou, durant l’enquête après sinistre, sur les circonstances dans lesquelles l’immeuble a été acquis »6. Le juge de la Cour supérieure, dont les conclusions ont été confirmées très récemment par la Cour d’appel7, conclut que l’assuré n’a pas agi avec la plus haute bonne foi et que son comportement, ayant contribué à maintenir l’ambiguïté, constitue plutôt de la mauvaise foi. Le tribunal ajoute que l’assureur en subit un préjudice considérant qu’Intact n’a jamais été en mesure de déterminer si Anderson détenait un véritable intérêt d’assurance et donc, si la police d’assurance était valide. Par conséquent, l’assuré a perdu son droit au versement d’une indemnité et sa réclamation est rejetée par la Cour.

Il faut retenir de ces jugements récents que le refus de collaborer avec son assureur et les déclarations mensongères peuvent entraîner des conséquences financières négatives pour l’assuré. Il sera donc toujours plus avantageux de fournir l’ensemble des renseignements véridiques à son assureur, et ce, en tout temps, dès la souscription à la police d’assurance.

Pour toute information additionnelle, nous vous invitons à contacter les membres de notre équipe en droit des assurances ici ou l’auteure du présent billet :

Me Carolane Gélinas, avocate
carolane.gelinas@steinmonast.ca
418-640-4415


1 2018 QCCS 3171 et 2020 QCCA 318.
2 Article 2471 C.c.Q.
3 Anderson c. Intact, compagnie d’assurances, 2018 QCCS 3171, par. 50 et Anderson c. Intact, compagnie d’assurances, 2020 QCCA 318, par. 35 à 37.
4 Article 2472 C.c.Q.
5 Anderson c. Intact, compagnie d’assurances, 2018 QCCS 3171, par. 38, 39, 41, 42 et 43.
6 Anderson c. Intact, compagnie d’assurances, 2018 QCCS 3171, par. 55.
7 Anderson c. Intact, compagnie d’assurances, 2020 QCCA 318.

Voir les autres Nouvelles et Ressources