INEXÉCUTION D’OBLIGATIONS CONTRACTUELLES – QUE PRÉVOIT VOTRE CONTRAT?

20 avril 2020

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Dans le contexte actuel de la Covid-19, plusieurs personnes et entreprises risquent de ne pas être en mesure de respecter les obligations auxquelles elles se sont engagées aux termes d’un contrat. Pour pouvoir évaluer les conséquences de cette inexécution, une bonne pratique est de se référer dans un premier temps aux termes et modalités du contrat. Le présent billet vise à faire un bref survol des règles applicables en matière d’inexécution contractuelle et des clauses à cet effet qui pourraient être comprises dans le contrat.

Tel que souligné par nos collègues dans un précédent billet, un cas de force majeure pourrait, dans certaines circonstances, justifier qu’une partie n’ait pas exécuté ses obligations aux termes d’un contrat1. Outre une clause relative à la notion de force majeure, certaines dispositions peuvent être prévues dans un contrat pour encadrer l’inexécution d’obligations contractuelles de l’une des parties.

L’inexécution contractuelle et la mise en demeure

En principe, une partie peut s’attendre à ce que son cocontractant exécute son obligation entièrement, correctement et sans retard2. Lorsqu’une partie à un contrat n’exécute pas son obligation, et ce, sans justification, l’autre partie peut notamment (1) forcer l’exécution de l’obligation en nature, (2) obtenir la résolution ou la résiliation du contrat ou la réduction de sa propre obligation corrélative, et/ou (3) prendre tout autre moyen que la loi prévoit pour la mise en œuvre de son droit à l’exécution3. Toutefois, en règle générale, avant d’entreprendre l’une ou l’autre de ses options, le créancier doit mettre son débiteur en demeure de s’exécuter, par exemple, par l’envoi d’une mise en demeure.

La demeure par les termes du contrat

Il est possible pour les cocontractants de prévoir spécifiquement dans leur contrat que dès qu’une partie fait défaut d’exécuter ses obligations conformément aux termes et modalités y étant convenus, elle est constituée en demeure de les exécuter4. Dans ce contexte, l’envoi d’une mise en demeure n’est pas nécessaire. Il est courant que les cocontractants optent pour l’insertion d’une clause de « défaut » dans leur contrat. Si tel est le cas, il est important de bien lire les termes et modalités de cette clause puisqu’elle pourrait prévoir la nécessité d’envoyer un avis à son cocontractant suivant lequel un délai lui est accordé pour remédier à son défaut de s’exécuter.

La résolution ou la résiliation du contrat

Les cocontractants ont également la possibilité de prévoir dans leur contrat que celui-ci sera résolu ou résilié dans le cas où l’une des parties n’exécute pas ses obligations. La résolution ou la résiliation se fait donc de manière automatique5. Toutefois, elle ne pourra pas trouver application si le défaut de s’exécuter est de peu d’importance6 ou justifié.

Lorsqu’un contrat est résolu, chacune des parties est tenue de restituer à l’autre les prestations qu’elle a reçues. Le contrat résolu est réputé n’avoir jamais existé7. Lorsque le contrat est à exécution successive et que certaines obligations ont déjà été exécutées, plutôt que d’être résolu, le contrat est résilié pour l’avenir seulement8.

La clause pénale

Les cocontractants ont le loisir de prévoir à l’avance les dommages-intérêts payables par l’une des parties advenant le cas où elle fait défaut d’exécuter ses obligations aux termes du contrat9, à condition toutefois que le montant prévu ne soit pas abusif. Si tel est le cas, le montant ainsi prévu pourrait être réduit10, et dans le cas d’un contrat de consommation ou d’adhésion, il est même possible qu’une telle clause soit tout simplement déclarée invalide11.

La clause relative aux dommages-intérêts moratoires

Dans le cas où une partie retarde à exécuter l’une ou l’autre de ses obligations de paiement, les cocontractants peuvent prévoir au contrat un taux d’intérêt différent du taux d’intérêt légal12.

Toutes autres modalités particulières d’indemnisation

Il n’est pas inhabituel de voir dans les contrats commerciaux des clauses négociées entre les parties qui encadrent les modalités d’indemnisation auxquelles elles seront soumises, que ce soit sous la forme d’un seuil pour les dommages subis, ou encore un plafond limitant la responsabilité de la partie en défaut. Par exemple, dans certains cas, une partie qui subit des dommages suivant le défaut de son cocontractant d’exécuter ses obligations aux termes d’un contrat pourrait ne pas être indemnisée considérant le fait que le montant de ses dommages n’atteint pas le seuil déterminé par contrat ou encore ne pas être indemnisée complètement dû au plafond limitant la responsabilité de la partie en défaut. Évidemment, chaque cas est un cas d’espèce et plusieurs variantes de ces modalités d’indemnisation peuvent être repérées dans les contrats selon le contexte.

La bonne foi, l’équité et l’imprévision dans le cadre d’un contrat

L’article 1375 du Code civil du Québec prévoit que les cocontractants doivent agir de bonne foi autant à la naissance de l’obligation qu’à son exécution. Rappelons que la Cour suprême a jugé en 2018 dans Churchill Falls (Labrador) Corp. c. Hydro-Québec que la renégociation du contrat ne pouvait être imposée en se fondant sur les obligations de bonne foi et d’équité alors que le contrat s’était avéré plus rentable que prévu pour une des parties. Quant à la théorie de l’imprévision, qui a comme objectif d’obliger les cocontractants à renégocier si un événement imprévu a pour conséquence de rendre une obligation excessivement onéreuse pour l’une d’entre elles, elle n’a pas non plus été appliquée étant donné qu’il était manifeste que la partie désavantagée par la situation avait accepté le risque. D’ailleurs, la théorie de l’imprévision n’est pas reconnue en droit québécois.

Conclusion

Si vous vous retrouvez dans une situation où votre cocontractant, votre société ou vous-même êtes est en défaut d’exécuter les obligations contractuelles, l’analyse attentive des clauses de votre contrat est nécessaire afin d’identifier si certaines modalités ont déjà été négociées pour prévoir ce type de situation. Également, avant de conclure un contrat, nous vous invitons à réfléchir et à négocier des modalités régissant ce type de situation à l’aide d’un conseiller juridique.

Pour toutes questions relativement aux conséquences de l’inexécution d’obligations contractuelles, adressez-vous aux membres de notre équipe en litige ici ou de droit des affaires ici ou encore, aux auteurs du présent billet :

Me Frédérique Lessard, Avocate                          Me Julien Langlois, Avocat
Frederique.lessard@steinmonast.ca                      julien.langlois@steinmonast.ca
418 649-4008                                                                 418 640-4429


1 En vertu de l’article 1470 du Code civil du Québec ou encore en vertu des termes et modalités de ce contrat qui pourraient avoir bonifié ou atténué cette notion de force majeure
2 Code civil du Québec, article 1590 al. 1
3 Code civil du Québec, article 1590 al. 2
4 Code civil du Québec, article 1594.
5 Code civil du Québec, article 1605
6 Code civil du Québec, article 1604 al. 2
7 Code civil du Québec, article 1606
8 Code civil du Québec, article 1606
9 Code civil du Québec, article 1622
10 Code civil du Québec, article 1623 al. 2
11 Code civil du Québec, article 1437
12 Code civil du Québec, article 1565

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