Commentaire de jugement : Définition d’« article de cargaison »

23 septembre 2019

Par Me Pierre-Olivier Dumas, Me Félix-Antoine Blais et Me Sarah Routhier

Dans un jugement de février dernier[1], la Cour du Québec est venue définir l’expression « article de cargaison », telle qu’entendue par le Règlement sur les normes d’arrimage[2] Règlement »). Plus précisément, dans le cadre d’un litige pénal, la Cour a dû définir cette notion afin d’évaluer la conformité réglementaire de la défenderesse par rapport à l’arrimage de son chargement et statuer sur sa culpabilité relative à l’infraction émise par Contrôle Routier Québec.

Faits

En décembre 2017, un véhicule lourd exploité par la défenderesse est intercepté par des contrôleurs routiers. Ces derniers procèdent à la vérification de l’arrimage de sa cargaison et de sa conformité avec le Règlement. La cargaison consiste en deux empilements de remorques, soit quatre à l’avant et cinq à l’arrière de la semi-remorque, chacune des remorques mesurant 7,4 mètres de longueur.

Selon les faits mis à la disposition du tribunal, le premier empilement de remorques est retenu de la manière suivante : une courroie lie la semi-remorque à la première remorque en dessous de la pile, deux courroies passent par-dessus la deuxième et enfin, trois courroies passent par-dessus la quatrième remorque pour un total de six courroies.

Relativement au deuxième empilement, la Cour retient de la preuve qu’il y avait aussi un total de six courroies : une entre la première et la deuxième remorque, une qui passe au travers de la première et la deuxième et qui se rend au-dessus de la troisième remorque, une au-dessus de la troisième remorque et trois qui passent au-dessus de la pile.

On comprend donc que certaines remorques n’ont pas de courroies qui leurs sont propres.

Considérant ces arrangements, Contrôle routier Québec émet à la défenderesse un constat pour avoir contrevenu au Règlement, à la Norme No10 du Code canadien de sécurité sur l’arrimage des cargaisons[3] (« Norme »),  et au Code de la sécurité routière[4].

Position du poursuivant

Le Directeur de poursuites criminelles et pénales est d’avis que les remorques auraient dû être attachées individuellement par quatre courroies chacune puisqu’il s’agit d’articles de cargaison distincts. Selon cette position, le fait d’empiler les remorques n’a pas pour effet d’unifier les articles en un seul article. Ainsi, selon la prétention du poursuivant, l’arrimage est en contravention des normes réglementaires et la défenderesse devrait être trouvée coupable.

Position de la défenderesse

Selon la défenderesse, les remorques étaient suffisamment retenues et en conformité avec le Règlement. Au surplus, elle soutient qu’il y avait plus de courroies que ce qui est exigé. Cette prétention découle du fait qu’elle considère chacune des piles de remorque comme un seul et même article de cargaison. Par conséquent, seulement quatre courroies auraient été suffisantes pour retenir chaque empilement afin de se conformer à la réglementation applicable.

Analyse

L’article 22 de la Norme auquel renvoient les articles 4 et 21 du Règlement prévoit notamment que tout « article de cargaison » de plus de 3,04 mètres de longueur doit être arrimé par minimalement deux appareils d’arrimage, que chaque mesure de 3,04 mètres supplémentaire nécessite l’usage d’un appareil additionnel et il en va de même pour toute fraction résultante. Ainsi, un article de cargaison de 7,4 mètres devrait être attaché par quatre courroies.

En l’espèce, le tribunal doit déterminer si on considère chaque remorque prise individuellement ou plutôt chaque pile de remorques comme étant un « article de cargaison ». La juge note d’abord qu’aucune décision à l’échelle pancanadienne n’interprète la notion d’« article de cargaison », laquelle n’est non plus prévue réglementairement. Elle analyse ainsi le libellé des diverses définitions établies dans la Norme et note plusieurs indices relatifs à l’interprétation qui doit être donnée à l’expression. Elle conclut qu’un empilement peut être considéré comme un seul article de cargaison lorsque ce dernier est destiné à être manipulé comme un seul article, c’est-à-dire si les différents articles sont emballés, cerclés ou attachés ensemble de manière à se comporter comme un seul et même article.

Conclusion

Dans la présente affaire, la preuve révèle que chaque remorque pouvait être manipulée de manière individuelle. Elles n’étaient pas emballées, cerclées ou attachées ensemble de manière à former un tout. Ainsi, la juge en vient à la conclusion que chacune des remorques constituait un article de cargaison et qu’elle aurait dû être individuellement arrimée selon la Norme.


[1] 2019 QCCQ 769.
[2] Règlement sur les normes d’arrimage, RLRQ, c. C-24.2, r. 30, art. 4 et 21.
[3] Code canadien de sécurité pour les transporteurs routiers, Norme 10 Arrimage des cargaisons, 2013, art. 9 et 22.
[4] Code de la sécurité routière, RLRQ, c. C-24.2, art. 471.

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