Troubles de voisinage : L’État est-il à l’abri de poursuites?

11 June 2020

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Les faits

Dans le cadre d’une action collective, l’appelant Réal Maltais, à titre de représentant d’un groupe de résidents de la Ville de Charlesbourg (aujourd’hui un arrondissement de la Ville de Québec), poursuit l’intimée Procureure générale du Québec agissant pour le ministère des Transports du Québec (le « MTQ ») pour troubles de voisinage découlant de la circulation automobile sur l’autoroute Laurentienne. Il reproche au MTQ son inaction dans la gestion du bruit de l’autoroute et invoque à la fois le régime de responsabilité sans faute de l’article 976 C.c.Q., celui fondé sur la responsabilité civile de l’article 1457 C.c.Q, la Loi sur la qualité de l’environnement1 et la Charte des droits et libertés de la personne2.

La Cour supérieure, sous la plume du juge Alain Michaud, reconnaît qu’il existe un rapport de voisinage entre le MTQ et les membres du groupe et que les inconvénients subis par certains résidents dépassent les limites de la tolérance que se doivent les voisins. Elle rejette toutefois l’action collective en se fondant sur la règle de l’immunité relative de l’État qui le protège contre les poursuites en responsabilité civile découlant de politiques générales.

Analyse

La Cour d’appel devait donc décider si la règle de l’immunité relative de l’État s’applique sous le régime de l’article 976 C.c.Q. et si l’État pouvait invoquer cette immunité en cas de contravention à la LQE ou d’atteinte illicite à un droit reconnu par la Charte. Elle a répondu par l’affirmative à ces questions et ainsi rejeté l’appel entrepris.

D’abord, la Cour d’appel a conclu que l’article 976 C.c.Q. s’applique aux inconvénients découlant d’un acte ou d’une omission de l’État à titre de propriétaire d’un fonds à usage public, car cette disposition a codifié un courant jurisprudentiel qui appliquait déjà la théorie des troubles de voisinage à l’autorité publique. Ainsi, la Cour d’appel conclut que les voisins d’une route qui subissent des inconvénients anormaux ne doivent pas être privés de toute indemnisation pour l’unique raison que leur voisin est le MTQ plutôt qu’une personne physique ou morale privée.

Cependant, puisque la mise en balance des intérêts conflictuels sous-tendant la prise de décision en matière de politique doit être laissée aux élus qui sont redevables aux citoyens, la Cour d’appel est d’avis que le pouvoir judiciaire ne doit s’immiscer dans le travail de l’exécutif qu’en cas d’abus. Elle conclut donc que lorsque l’État commet une faute, de bonne foi, dans l’exercice de son droit de propriété en adoptant une politique générale, il est protégé contre les poursuites en responsabilité. En l’espèce, la Cour d’appel conclut que les décisions du MTQ en cause font clairement partie de la catégorie de décisions inattaquables, d’autant plus que l’appelant n’a jamais prétendu qu’elles avaient été prises de mauvaise foi ou qu’elles étaient irrationnelles.

N.B. : En date de la publication du présent billet, aucune demande d’autorisation d’appel n’a été déposée à la Cour suprême.

Pour toutes questions relatives aux troubles de voisinage, adressez-vous aux membres de notre équipe en droit immobilier ici ou encore à l’auteur du présent billet :

Me Antoine P. Beaudoin, Associé
antoine.beaudoin@steinmonast.ca
418 640-4440


1 RLRQ, c. Q-2 (la « LQE »).
2 RLRQ, c. C-12 (la « Charte »).

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