Le Bureau de la concurrence a annoncé, le 1er avril dernier1, que le seuil relatif à la taille des transactions devant faire l’objet d’un préavis de fusion en 2020 demeurera inchangé par rapport au seuil actuel établi à 96 millions de dollars en 2019 – une première depuis plusieurs années. Peut-être est-ce un signe additionnel d’un ralentissement économique anticipé ?
À titre de rappel, en vertu de la Loi sur la concurrence2 (la « Loi »), tous les fusionnements – (ce qui inclut notamment tout achat d’actions ou achat d’actif d’une entreprise en vertu de la Loi – peu importe leur ampleur ou le secteur économique concerné, peuvent être examinés par le Commissaire de la concurrence (le « Commissaire »). De façon générale, un préavis des transactions proposées doit être donné au Bureau de la concurrence (le « Bureau ») si :
- les actifs de la société cible au Canada ou ses revenus provenant de ventes, au Canada ou en provenance du Canada, et réalisés à partir de ces actifs dépassent le seuil de 96 millions de dollars; et
- la valeur totale des actifs des parties et de leurs affiliées respectives au Canada ou la valeur totale de leurs revenus au Canada, en provenance du Canada ou en direction du Canada dépasse 400 millions de dollars3.
Le Commissaire examine ces transactions devant faire l’objet d’un préavis pour déterminer si elles auraient vraisemblablement pour effet d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence.
Principe général
La partie IX de la Loi énonce le cadre législatif du préavis et impose aux parties à une transaction proposée dépassant certains les seuils monétaires ci-haut indiqués à :
(a) donner un avis au commissaire avant de procéder à la transaction proposée;
(B) fournir des renseignements précis; et
(C) respecter un délai déterminé avant de compléter la transaction.
Il est à noter qu’en règle générale, chaque transaction proposée en vertu de la partie IX de la Loi constitue une transaction distincte aux fins de la notification en vertu de la Loi. Toutefois, deux ou plusieurs transactions proposées seront généralement considérées comme une transaction continue si toutes les étapes de la série de transactions proposées constituent une séquence d’événements suffisamment interconnectés.
Pour déterminer si une transaction proposée doit faire l’objet d’un préavis, il faut en règle générale suivre les quatre étapes énumérées ci-après. Une fois les trois premières étapes franchies, si aucune exception prévue à la quatrième étape ne s’applique, la transaction doit faire l’objet d’un avis.
Comment déterminer si une transaction proposée doit faire l’objet d’un avis ?
Étape 1. Déterminer si la structure de la transaction proposée est visée par la Loi
Les structures suivantes sont notamment visées par la Loi :
l’acquisition d’actifs au Canada d’une entreprise en exploitation;
l’acquisition d’actions comportant droit de vote d’une personne morale qui exploite une entreprise en exploitation ou qui détient le contrôle d’une personne morale qui exploite une entreprise en exploitation; et
la fusion de deux personnes morales ou plus, si l’une d’elles, ou plus, exploite une entreprise en exploitation ou contrôle une personne morale qui exploite une entreprise en exploitation;
Si la transaction proposée est de la nature des transactions décrites ci-dessus, les parties doivent vérifier si les seuils relatifs aux parties ou à la transaction ont été dépassés.
Étape 2. Déterminer si le seuil relatif aux parties est dépassé
La Loi prévoit que les parties à la transaction, avec leurs affiliées, doivent disposer d’éléments d’actif au Canada ou de revenus bruts annuels provenant de ventes au Canada, à destination ou en provenance du Canada, dont la valeur totale dépasse 400 millions de dollars. Si la transaction proposée comprend l’acquisition d’actions comportant un droit de vote, la Loi précise que les parties à l’acquisition proposée des actions sont: i) la ou les personnes qui proposent d’acquérir les actions; et ii) la personne morale dont les actions font l’objet de l’acquisition.
Étape 3. Déterminer si le seuil relatif à la transaction est dépassé
Tel qu’indiqué au début du présent texte, la valeur totale des éléments d’actif au Canada ou des revenus bruts annuels provenant de ventes au Canada ou en provenance du Canada, réalisées en raison de ces éléments d’actif, doit dépasser le seuil relatif au montant de la transaction, lequel seuil est de 96 millions de dollars pour 2020.
Selon la structure de la transaction (achat d’actions, achat d’éléments d’actif ou, fusion), les critères de détermination du seuil varient.
Étape 4. Exceptions
Une fois accomplies les trois premières étapes, la transaction proposée doit faire l’objet d’un préavis à moins qu’une exception prévue par la Loi ou son règlement d’application ne s’applique. Ces exceptions comprennent principalement les transactions où toutes les parties sont affiliées entre elles, ou si le commissaire a émis un Certificat de décision préalable en vertu de l’article 102 de la Loi.
Renseignements à fournir avec l’avis
Les renseignements à être fournis aux termes d’un préavis sont prescrits au Règlement sur les transactions devant faire l’objet d’un avis4.
Délais
La Loi stipule que les parties qui produisent un préavis ne doivent pas compléter la transaction proposée avant l’expiration d’un délai de 30 jours à compter de la réception du préavis par le Commissaire. La Loi prévoit également que le commissaire peut, dans les 30 jours suivant la réception du préavis, demander aux parties de fournir des renseignements supplémentaires qui sont pertinents pour l’évaluation de la transaction proposée. L’émission d’une demande de renseignements supplémentaires déclenche un second délai de 30 jours pendant lequel la transaction proposée ne peut être complétée.
Au terme des délais applicables, les parties sont libres de compléter la transaction proposée, à moins qu’elles aient conclu un accord sur les délais avec le Bureau les empêchant de compléter la transaction proposée pendant une période déterminée ou, qu’à la demande du Commissaire, le Tribunal de la concurrence ait rendu une ordonnance provisoire empêchant le parachèvement de la transaction.
Amendes et pénalités
Il est à noter que si les parties à une transaction proposée négligent de transmettre le préavis exigé ou si elles complètent ou sont susceptibles de compléter la transaction avant la fin du délai applicable, alors le Commissaire peut demander au Tribunal de la concurrence de rendre une ordonnance. Les sanctions pouvant être imposées comprennent des sanctions administratives pécuniaires pouvant atteindre 10 000 $ pour chaque jour où les parties ne se sont pas conformées. Le Tribunal de la concurrence peut également ordonner aux parties de ne pas mettre en œuvre la transaction ou de procéder à la dissolution de celle-ci.
Pour des questions en matière de conformité à la Loi sur la concurrence, adressez-vous aux membres de notre équipe ici ou encore à l’auteur du présent billet :
Me Jacques Cossette-Lesage, Associé
jacques.cossette-lesage@steinmonast.ca
418 640-4406
1https://www.canada.ca/fr/bureau-concurrence/nouvelles/2020/04/le-seuil-relatif-a-la-taille-destransactions-devant-faire-lobjet-dun-preavis-de-fusion-restera-a-96-millions-de-dollars-en-2020.html
2 L.R.C. (1985) ch. C-34.
3 Articles 108 et suivants de la Loi.
4 https://laws-lois.justice.gc.ca/fra/reglements/DORS-87-348/TexteComplet.html