Modifications à la Charte de la langue française

8 September 2022

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Sanctionné le 1er juin 2022 à l’unanimité, le projet de loi no 96 intitulé Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français, modifie plusieurs lois concernant l’usage du français, dont notamment la Charte de la langue française (la « Charte ») et le Code civil du Québec (le « Code »).

Traduction des actes de procédure

La nouvelle version de la Charte prévoit que toute procédure rédigée en anglais par une personne morale doit être accompagnée d’une traduction française certifiée, sans quoi la procédure ne peut être déposée au greffe d’un tribunal1.

Lorsque la prescription de ce recours est imminente, le rejet de la procédure par le greffe peut avoir des conséquences drastiques.

Ce risque a récemment mené la Cour supérieure à suspendre l’entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions, initialement prévue le 1er septembre 20222, jusqu’à ce qu’un jugement se prononce sur le fond du recours déposé par un groupe d’avocats contestant la constitutionnalité des nouvelles dispositions relativement à la traduction des actes de procédures3. Le dossier Mitchell c. Procureur général du Québec sera donc à surveiller.

Traduction des jugements

Dorénavant, tout jugement rendu en anglais doit « immédiatement et sans délai » être traduit en français lorsqu’il met fin à une instance ou présente un intérêt pour le public4. Cette notion n’est toutefois pas définie dans la nouvelle Loi. Ces traductions seront effectuées aux frais du gouvernement.

Notons également que, dans le cas d’un jugement ne mettant pas fin à l’instance et rendu en français, seule une partie à l’instance peut en demander la traduction en anglais, alors que dans le cas d’un jugement rendu en anglais, toute personne peut en demander la traduction.

L’entrée en vigueur de ces dispositions est prévue le 1er juin 20245.

Langue du commerce et des affaires

Depuis le 1er juin 2022, la Charte impose aux entreprises d’offrir au consommateur ou au public des biens et services en français. Cette obligation est maintenant élargie à toute personne autre qu’un consommateur6. La Charte prévoyait déjà le droit des consommateurs d’être servis en français7, mais sa nouvelle mouture prévoit qu’il s’agit d’une obligation pour les entreprises. À noter qu’une entreprise employant moins de cinq personnes n’est pas tenue de respecter cette obligation8.

Droit des contrats

En matière contractuelle, la Charte clarifie les droits des parties à un contrat d’adhésion9, c’est-à-dire lorsque, en présence d’un rapport de force déséquilibré entre les parties, un ensemble de clauses contractuelles peu susceptible de négociation est imposé à une partie, l’adhérent. À titre d’exemple, les contrats de consommation sont souvent des contrats d’adhésion, de même que les contrats d’assurance.

Ainsi, à compter du 1er juin 2023, les parties à un tel contrat ne pourront être liées que par sa version française, à moins qu’elles aient expressément voulu contracter dans une autre langue10.

En revanche, depuis le 1er juin 2022, l’adhérent peut invoquer la version qui est le plus à son avantage en cas de divergence entre les deux versions.11 De plus, la Charte précise qu’une clause rédigée dans une autre langue que le français est réputée incompréhensible, sauf si elle a été ainsi rédigée à la demande expresse de la partie adhérente12.

Affichage public

Quant à la publicité des entreprises, le français devra être présenté de façon nettement prédominante lorsque l’affichage public visible depuis l’extérieur d’un local comporte une expression tirée d’une autre langue13.

Cette nouvelle modification entrera en vigueur le 1er juin 202514.

Modifications en matière de copropriété et relativement au RDPRM

La nouvelle Loi apporte également des modifications à langue de publication des différents documents constitutifs de la copropriété. Dorénavant, les déclarations de copropriété, les modifications à l’acte constitutif de copropriété et à l’état descriptif des fractions et les modifications au règlement de l’immeuble doivent être publiées exclusivement en français15. La seule exception concerne les actes qui ont déjà été publiés entièrement dans une autre langue avant le 1er juin 2022, lesquels pourront être modifiés dans cette même langue16.

De plus, le registre des copropriétaires, les documents tenus à la disposition des copropriétaires et tout document rédigé par le syndicat à l’intention d’un copropriétaire doivent désormais être rédigés en français17.

La même situation prévaut dorénavant pour toute réquisition d’inscription au Registre des droits personnels et réels mobiliers (RDPRM), c’est-à-dire que les documents doivent maintenant être publiés en français, à moins qu’ils ne modifient une inscription faite avant le 1er juin 2022 dans une autre langue que le français18.

Ces modifications sont en vigueur depuis le 1er juin 2022.

Conclusion

La Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français modifie plus de 28 lois à divers degrés. Dans ces circonstances, il importe de connaître la portée de ces changements législatifs afin de s’assurer de respecter les nouvelles exigences, qui sont déjà en vigueur ou qui entreront en vigueur progressivement jusqu’en 2025.

Pour toute question, communiquez avec un membre de notre équipe ici ou encore avec les auteures du présent billet:

Me Jessica Gauthier, associée
jessica.gauthier@steinmonast.ca
418 640-4434

Me Catherine Pilote-Coulombe, Avocate
Catherine.pilote-coulombe@steinmonast.ca
418-640-4445

Les auteures remercient monsieur Vincent Vachon, stagiaire en droit, pour sa précieuse contribution à la rédaction du présent article.


1     Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français (ci-après « Loi sur la langue »), L.Q. 2022, art. 5 et 119; Charte de la langue française
(ci-après « Charte »), c-11, art. 9 et 208.6.
2    Mitchell c. Procureur général du Québec, 2022 QCCS 2983, par. 7.
3    Soit les articles 5 et 119 de la Loi sur la langue qui amendent les articles 9 et 208.6 de la Charte.
4    Loi sur la langue, préc., note 2, art. 5
5    Id., art. 218 par. 4.
6    Charte, préc., note 2, art. 50.2.
7    Id., art. 5.
8    Loi sur la langue, préc., note 2, art. 117.
9    Charte, préc., note 2, art. 55.
10   Loi sur la langue, préc., note 2, art. 45;    Loi sur la langue, préc., note 2, art. 218 alinéa 1 par. 2.
11   Charte, préc., note 2, art. 91 alinéa 3; Loi sur la langue, préc., note 2, art. 218 alinéa 1.
12   Id., art. 204.26.
13   Id., art. 49.
14   Id., art. 218, par. 6.
15   Loi sur la langue, préc., note 2, art. 127; Code civil du Québec (ci-après Code civil), CCQ-1991, art. 1060.
16   Loi sur la langue, préc., note 2, art. 212.
17   Id., art. 128 qui introduit le nouvel article 1070.1.1 au Code civil.
18   Id., art. 129; Code civil, art. 2984.

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