Quand l’assureur est-il justifié de déclarer une maison habitable après un sinistre?

20 December 2021

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Lorsqu’un sinistre survient dans la maison d’un assuré et rend celle-ci inhabitable, l’assureur doit relocaliser et assumer les frais de subsistance de l’assuré jusqu’à ce qu’il déclare les lieux habitables. À partir de quand peut-il le faire ?

La Cour supérieure a récemment eu l’occasion de se prononcer sur la question dans la décision Trépanier c. Desjardins assurances générales, 2021 QCCS 4658. Un incendie s’est déclaré dans la maison des assurés le 13 août 2005 et a causé des dommages principalement par la fumée. La relation entre les parties se dégrade rapidement. Se déclarant insatisfaits des travaux de l’entrepreneur, les assurés refusent de réintégrer la maison après que l’assureur ait déclaré celle-ci habitable le 7 décembre 2005. Ce n’est finalement que le 1er juin 2007, après de nombreuses négociations et un arbitrage, que les assurés réintègrent la maison. À partir de quand la maison était-elle réellement devenue habitable ?

Le caractère habitable d’une maison

La police d’assurance en cause prévoit que les frais de subsistance sont couverts si l’habitation « est rendue inutilisable, soit : à cause d’un sinistre couvert ou de réparations nécessitées par un sinistre couvert » et que l’assureur doit verser des frais de subsistance « le temps nécessaire à la remise en état […] des lieux sinistrés ».

La notion centrale est donc celle de la remise en état des lieux. Selon la liste établie par l’entrepreneur, il restait à effectuer des travaux pour un peu plus de 10 000 $, dont le remplacement du plafond de plusieurs pièces et de la laine isolante, l’installation du plancher flottant et le remplacement du tapis au sous-sol. Il y avait également toujours la présence d’une odeur de fumée persistante. La Cour conclut que ces travaux étaient d’une trop grande ampleur pour considérer que la maison avait été remise en état au sens de la police.

Le caractère habitable d’une maison en matière d’assurance ne se compare pas à la situation d’une personne qui décide d’effectuer des travaux tout en continuant à habiter l’immeuble. La Cour impose ainsi une obligation plus importante à l’assureur qui doit remettre l’immeuble en état. Il peut rester des déficiences mineures à corriger, mais dans le présent cas, les travaux importants, combinés à l’odeur de fumée persistante, empêchaient de conclure au caractère habitable de l’immeuble. Le juge a donc repoussé la date de remise en état des lieux et a ordonné à l’assureur de verser les frais de subsistance pour cette période supplémentaire. Cependant, le juge n’a pas accepté la date de remise en état comme étant celle où les assurés ont réintégré les lieux puisque ceux-ci n’avaient pas minimisé leurs dommages.

L’obligation de minimiser les dommages : les difficultés financières ne sont pas une excuse pour s’y soustraire

Il arrive parfois que l’assureur et l’assuré ne s’entendent pas sur l’ampleur des travaux à effectuer, ce qui a pour effet d’en retarder l’avancement.

Dans l’affaire Trépanier, les assurés refusaient les travaux supplémentaires acceptés par l’assureur puisqu’ils les considéraient insuffisants et que les travaux déjà faits devaient être repris. L’exécution des travaux en a été retardée.

Les assurés ne peuvent toutefois se contenter d’attendre que l’assureur paie les travaux qu’ils exigent. Ils doivent prendre les mesures nécessaires pour les exécuter eux-mêmes. Ici, les assurés avaient attendu plusieurs mois que l’assureur leur verse une première somme pour procéder aux travaux, alléguant qu’ils n’avaient pas les moyens d’y procéder plus tôt. Or, les assurés avaient réussi à obtenir du financement avant ce paiement, mais avaient plutôt choisi d’éponger leurs dettes accumulées en raison du sinistre. La Cour conclut que les assurés ont ainsi manqué à leur obligation de minimiser leurs dommages malgré leurs difficultés financières. La Cour rappelle que les difficultés financières ne sont pas une raison justifiant le retard dans les travaux.

Le paiement libératoire découlant d’un « paiement final » : attention de ne pas y renoncer

Au terme de plusieurs mois de négociation, l’assureur a transmis un chèque aux assurés accompagné d’une lettre indiquant qu’il s’agissait d’un paiement final. Les assurés ont encaissé le chèque en y indiquant « sans préjudice ou tout autre recours ». Ce n’est que plusieurs semaines plus tard qu’ils ont avisé l’assureur du refus de l’offre finale. L’assureur a invoqué qu’il y avait eu transaction et que les assurés ne pouvaient réclamer plus que le montant de l’offre acceptée.

En règle générale, une partie qui encaisse un chèque portant la mention « paiement final » éteint la dette puisqu’il y a transaction complète entre les parties. Pour éviter cet effet, l’assuré doit indiquer clairement à l’assureur, avant d’encaisser le chèque, qu’il n’accepte pas l’offre comme étant finale et il doit donner suffisamment de temps à l’assureur pour réagir à cette contre-offre.

Ici, l’encaissement du chèque aurait été fatal à la réclamation des assurés si l’assureur n’avait pas renoncé à invoquer la transaction. En effet, l’assureur avait par la suite envoyé un expert en sinistre pour évaluer si les travaux exigés par les assurés étaient nécessaires et avait participé à un arbitrage sur la valeur des travaux. La Cour en conclut que l’assureur avait renoncé à invoquer la transaction.

Conclusion

Il faut se tourner en premier lieu vers la police d’assurance pour y trouver les indices qui permettront à un assureur de déclarer si une maison sinistrée est redevenue habitable. Dans l’affaire Trépanier, c’est la notion de remise en état des lieux, prévue à la police, qui a été déterminante. Cette affaire permet de constater que l’assureur doit analyser l’ensemble des circonstances et procéder à sa propre enquête, surtout lorsque l’assuré conteste le caractère habitable, pour conclure si les lieux ont bien été remis en état ou non.

Pour toute question en matière d’assurance de personne, communiquez avec un membre de notre équipe ici ou encore avec les auteures du présent billet.

Me Maud Rivard, Associée
maud.rivard@steinmonast.ca
418-640-4423

Me Catherine Pilote-Coulombe, Avocate
catherine.pilote-coulombe@steinmonast.ca
418-640-4445

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