Les droits et obligations des consommateurs et des exploitants de centres d’activités culturelles ou sportives, de loisirs ou de divertissements, ou de conditionnement physique, pendant et après la pandémie de COVID-19

26 June 2020

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Le 13 mars 2020, par le Décret 117-20201, en raison de la pandémie de COVID-19, le Gouvernement du Québec a déclaré l’état d’urgence sanitaire sur tout le territoire de la province de Québec. En raison de cet état d’urgence, le 15 mars 2020, par l’Arrêté 2020-0042, la ministre de la Santé et des Services sociaux a ordonné la suspension des activités de divers établissements qui accueillent le public, notamment à des fins culturelles, sportives, de loisirs ou de divertissements, ainsi que les centres de conditionnement physique (« gym »). Au moment d’écrire ces lignes, l’état d’urgence sanitaire est toujours en vigueur, ayant été renouvelé jusqu’au 30 juin 2020 par le Décret 667-20203.

Cependant, depuis le 1er mai 2020, le gouvernement a levé la suspension applicable à certaines activités dans le cadre de la reprise graduelle des activités économiques dans quelques régions du Québec. C’est le cas notamment, depuis le 19 mai 2020, pour les milieux de travail offrant des activités de plein air, de loisirs et de sports individuels sans contact exercées à l’extérieur4, depuis le 29 mai 2020 pour les institutions muséales, et pour les cinémas et les gym qui ont pu ouvrir à nouveau leurs portes le 22 juin 2020.

Cette suspension totale des activités et opérations a engendré des répercussions importantes en ce qui concerne les droits et obligations des parties impliquées, soit ceux qui les exploitent (« exploitants ») et leurs abonnés et clients (« abonnés-clients ») aux activités qui y sont offertes. Quelles sont-elles ?

a) Cadre juridique

Avant d’aborder les répercussions, il est important de rappeler le cadre juridique applicable à un contrat conclu entre un exploitant de tels lieux et ses abonnés-clients.

Les établissements offrant des activités culturelles (ex. spectacles, expositions, etc.), sportives, de loisirs ou de divertissements (ex. abonnement de saison à un centre de ski, un terrain de golf, un club de tennis, un aréna, une piscine, un centre d’entraînement, ou pour assister aux matchs de son équipe de sport favorite, etc.) et de conditionnement physique (ex. gym, centre de yoga, etc.), fournissent en général des services et/ou un bien ou équipement à leurs abonnés-clients. Les contrats qu’ils concluent avec des personnes physiques dans le cadre de l’exploitation de leur entreprise constituent des contrats de consommation au sens du Code civil du Québec5, lesquels sont assujettis à la Loi sur la protection du consommateur6.

En plus des règles prévues à la L.p.c. qui leurs sont applicables7, ces contrats sont également assujettis aux règles générales des contrats prévues au C.c.Q.8, lesquelles sont applicables à tout contrat conclu au Québec9.

Notons par ailleurs qu’un gym constitue un « studio de santé » au sens de la L.p.c., soit « un établissement qui fournit des biens ou des services destinés à aider une personne à améliorer sa condition physique par un changement dans son poids, le contrôle de son poids, un traitement, une diète ou de l’exercice »10 et que le contrat conclu entre un abonné-client et un gym est assujetti particulièrement aux règles prévues aux articles 197 à 205 de la L.p.c. et à celles du contrat de services prévues au C.c.Q.11, en plus des règles générales relatives au contrat prévues à ce Code.

b) Répercussions relatives à la suspension des activités

Les mesures d’urgence sanitaire ont créé un double empêchement dans l’exécution des obligations stipulées à de tels contrats : les exploitants n’ont pu dispenser les services qu’ils se sont engagés à fournir à leurs abonnés-clients alors que ces derniers n’ont plus eu accès aux lieux où ces services sont dispensés et/ou aux installations et équipements qui sont habituellement mis à leur disposition, les établissements ayant été fermés et certains le sont encore, pour une durée indéterminée.

Cette situation, entièrement extérieure à la volonté des parties, s’apparente à une situation de force majeure car elle a rendu totalement impossible, pour les exploitants, l’exécution de leur obligation de fournir leurs services et de mettre les installations et équipements à la disposition de leurs abonnés-clients  pendant la période d’urgence sanitaire. En effet, la force majeure se définit comme suit : « un événement imprévisible et irrésistible; y est assimilé la cause étrangère qui présente ces mêmes caractères»12.

Lorsque les obligations ne peuvent plus être exécutées en raison d’un cas de force majeure, le C.c.Q. prévoit, les conséquences suivantes :

  • Le débiteur est libéré de son obligation13. C’est donc dire que l’exploitant pourrait être libéré de fournir les biens et services à ses abonnés-clients durant la période correspondant à l’arrêt de ses activités en raison des mesures d’urgence sanitaire décrétées;
  • Le débiteur ainsi libéré ne peut exiger de son cocontractant l’exécution de l’obligation corrélative14. C’est donc dire que, s’il n’avait pas déjà entièrement payé les frais afférents au contrat, l’abonné-client serait dispensé d’en continuer le paiement pendant la période d’arrêt des services;
  • Si le contrat prévoit des paiements préautorisés, l’abonné-client pourrait demander à son institution financière et à l’exploitant, de préférence par écrit, la suspension de ces paiements pour la période correspondant à la fermeture de l’établissement. Dans ce cas, l’exploitant ne disposerait d’aucun recours contre son abonné-client, ne pouvant lui reprocher quelque défaut.
  • Si la période du contrat n’était pas encore terminée (ex. il restait un 1 mois à courir sur l’abonnement au centre de ski ou au gym, ou encore il restait 2 spectacles qui n’ont pas eu lieu dans la série de 5 spectacles achetés) et que les coûts de l’abonnement avaient déjà été entièrement payés au moment de l’arrêt des activités, l’abonné-client pourrait en demander le remboursement proportionnel correspondant à ces services ou aux biens non fournis15.

Par ailleurs, puisque les règles relatives à la force majeure prévues au C.c.Q. ne sont pas d’ordre public, le contrat pourrait prévoir une clause selon laquelle l’abonné-client serait tenu de continuer à effectuer les paiements malgré l’arrêt des activités résultant d’une situation de force majeure. Si tel est le cas, l’abonné-client devrait continuer les paiements pendant la période des mesures d’urgence sanitaire déclarée. Par contre, afin de limiter ses pertes, rien n’empêcherait l’abonné-client de demander la résiliation de son abonnement16, sous réserve de devoir payer à l’exploitant des frais administratifs qui pourraient être prévus au contrat, sauf dans les cas où la loi interdit à ce dernier de réclamer une pénalité.

Considérant les différents plans de reprise des activités économiques mis de l’avant progressivement par nos autorités gouvernementales, et afin d’éviter de faire face à une telle résiliation ou encore d’assurer le maintien de leur clientèle après la fin des mesures d’urgence sanitaire décrétées, les exploitants offrant des activités culturelles, sportives, de loisirs ou de divertissements, et de conditionnement physique ont assurément avantage à offrir différentes mesures compensatoires à leurs abonnés-clients qui ne se prévaudraient pas de leur droit au remboursement, qui continueraient les paiements pendant la période d’arrêt des services ou qui, au moment où tel arrêt est devenu effectif, avaient déjà entièrement payés les frais relatifs à leur abonnement17 :

  • Prolonger la durée de l’abonnement, sans frais additionnel, à partir du moment où les services et/ou biens pourront à nouveau être fournis, et ce, pour une période correspondant à la durée de la période d’arrêt des services. Dans le cas particulier d’un contrat conclu par un studio de santé, une telle prolongation serait toutefois assujettie à une restriction : le contrat devant être stipulé pour une durée maximale d’un an18, un contrat en cours ne pouvant être prolongé si cette prolongation fait en sorte d’étirer sa durée au-delà d’une année.
  • Dans le cas où la période maximale du contrat était expirée au moment de la reprise des activités, renouveler le contrat sans frais, pour une durée correspondant à cette même période d’arrêt des services;
  • Au moment de la reprise des activités, conclure un nouveau contrat d’une durée maximale d’un an, prévoyant une réduction des frais de l’abonnement (crédit) correspondant à la valeur des services et/ou bien déjà payés que l’exploitant n’a pu fournir en raison des mesures d’urgence sanitaire décrétées.

Bien entendu, pour appliquer de telles mesures, les exploitants devraient d’abord en discuter individuellement avec chacun de leurs abonnés-clients, et convenir avec eux de la bonne solution.

Conclusion

La COVID-19 affecte durement l’économie et particulièrement les exploitants offrant des activités culturelles, sportives, de loisirs ou de divertissements, et de conditionnement physique, qui ont dû, comme bien d’autres entreprises, cesser entièrement leurs activités dès les premiers jours suivant la déclaration d’urgence sanitaire. La concurrence étant féroce dans le milieu des affaires, en vue de planifier la relance économique, ces exploitants ont avantage à se pencher dès maintenant sur la question, à faire preuve d’initiative en allant au-devant des préoccupations particulières de leurs abonnés-clients et leur proposer des solutions gagnantes. C’est aussi ça faire preuve de solidarité, de motivation et de leadership !

Pour toutes questions, adressez-vous aux membres de notre équipe de litige et droit civil ici ou encore aux auteurs du présent billet :

 Me David Ferland, Associé
david.ferland@steinmonast.ca
418-640-4442

Me Louis Mazurette, Associé
louis.mazurette@steinmonast.ca
418-640-4443


1 Gouvernement du Québec, Décret 117-2020, 13 mars 2020, [En ligne] https://cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/adm/min/sante-services-sociaux/publications-adm/lois-reglements/decret-177-2020.pdf?1584224223 (consulté le 18 juin 2020)
2 Gouvernement du Québec, Arrêté 2020-004, 15 mars 2020, [En ligne] https://cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/adm/min/sante-services-sociaux/publications-adm/lois-reglements/AM_numero_2020-004.pdf?1584380124 (consulté le 18 juin 2020)
3 Gouvernement du Québec, Décret 630-2020, 17 juin 2020, [En ligne]https://cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/adm/min/sante-services-sociaux/publications-adm/lois-reglements/decret_667-202023juin.pdf?1592948959 (consulté le 25 juin 2020)
4 Gouvernement du Québec, Décret 530-2020, 19 mai 2020, [En ligne] https://cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/adm/min/sante-services-sociaux/publications-adm/lois-reglements/decret-530-2020.pdf?1589924842 (consulté le 18 juin 2020)
5 Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64 (« C.c.Q. ») art. 1384, Légis Québec, à jour au 1er mars 2020, [En ligne] http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/showdoc/cs/ccq-1991 (consulté le 18 juin 2020)
6 Loi sur la protection du consommateur, RLRQ, c. P-40.1 (« L.p.c. »), Légis Québec, à jour au 1er mars 2020, [En ligne] http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/showdoc/cs/p-40.1 (consulté le 18 juin 2020).
7 Les exploitants qui, par contrat de service à exécution successive, procurent un enseignement, un entraînement ou une assistance aux fins de développement, de maintenir ou d’améliorer la santé, l’apparence, l’habileté, les qualités, les connaissance ou les facultés intellectuelles, physique ou morales d’une personne (ex. cours de ski, karaté, natation, piano, etc.) ou qui accordent à une personne le droit d’utiliser des installations ou équipements (ex. accès à un terrain, un instrument ou un article de sport) sont assujettis à certaines règles particulières prévues aux articles 189 à 196 de la L.p.c. Les commerçants énoncés à l’article 188 L.p.c.. dont les commissions scolaires, les universités, les établissement d’enseignement régis par la Loi sur l’enseignement privé, les municipalités, le Conservatoire de musique et d’art dramatique du Québec, et les studios de santé ne sont toutefois pas visés par les articles 189 à 196 de la L.p.c.;
8 Articles 1371 et ss. C.c.Q.
9 Art. 1377 C.c.Q.
10 Art. 198 de la L.p.c.
11 Articles 2098 à 2129 C.c.Q.
12 Art. 1470 C.c.Q. Pour plus de détails sur les conditions de la force majeure, nous vous référons au billet de nos collègues Catherine Cloutier et Ruby Riverin-Kelly intitulé « La force majeure à l’ère de la COVID-19 Survol de la question quant à la responsabilité, les contrats et le droit du travail », du 27 mars 2020.
13 Art. 1693 C.c.Q.
14 Art. 1694 C.c.Q.
15 Art. 1694 C.c.Q.
16 Art. 2125 C.c.Q (pour un abonnement à un studio de santé ou un abonnement à des activités culturelles). Il est important de noter que l’article 11.4 L.p.c. interdit toute stipulation qui exclut, en tout ou en partie, l’application de cet article; Art. 193 L.p.c. (pour un contrat de service à exécution successive visant à procurer un enseignement, un entraînement ou une assistance aux fins de développer, de maintenir ou d’améliorer la santé, l’apparence, l’habileté, les qualités, les connaissances ou les facultés intellectuelles, physiques ou morales d’une personne).
17 Voir Office de la protection du consommateur,  COVID-19 : quels sont vos droits en tant que consommateur ?, Mis à jour le 26 mars 2020 (consulté le 18 juin 2020), [En ligne] https://www.opc.gouv.qc.ca/actualite/conseils/article/covid-19-droits-consommateur/#ancre2
18 Art. 200 L.p.c.

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