La Cour d’appel réitère l’importance de suivre le changement de culture imposé par le nouveau code de procédure civile

2 February 2022

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Dans l’affaire St-Louis c. La Presse ltée, 2021 QCCA 1782, la Cour d’appel confirme la décision de la Cour supérieure imposant aux parties une expertise commune.

1. Les faits

En première instance, la demanderesse alléguait avoir été victime de diffamation par les défenderesses à l’occasion d’un article de presse et leur réclamait la somme de 95 000,00 $ à titre de dommages-intérêts compensatoires et punitifs. Au soutien de sa demande, elle entendait produire deux (2) rapports d’expertise distincts portant sur la qualification de son identité autochtone. Un protocole de l’instance convenu par les parties prévoyait ainsi la production des rapports d’expertise de la demanderesse, mais aucun par les défenderesses, celles-ci y précisant cependant leur droit de contester la production de ceux de la demanderesse, le tout sans aucune justification au protocole quant à l’absence d’expertise commune.

Dans le cadre d’une gestion de l’instance devant l’honorable Benoit Emery visant à trancher la question de la duplicité des expertises, aucune représentation n’a été faite tant par les parties que par le juge au sujet de l’expertise commune. Or, par jugement rendu oralement, le juge Emery ordonnait finalement que l’expertise relative à l’identité autochtone de la demanderesse soit commune et que les frais engendrés soient partagés, le tout suivant le principe de la proportionnalité des coûts.

2. L’arrêt

Deux moyens d’appels étaient soumis par la demanderesse-appelante : (i) elle aurait été brimée, n’ayant pu s’exprimer sur la tenue d’une expertise commune avant que le jugement oral soit rendu et (ii) la non-proportionnalité d’une expertise commune dans les circonstances du dossier.

En ce qui a trait à la première question, la Cour d’appel s’appuie d’abord sur les principes établis par la Cour suprême concernant les exigences du droit d’être entendu lors de séance de gestion, à savoir que la règle audi alteram partem est plus souple et peut être appliquée avec moins de rigueur en ce qui concerne les questions de gestion de l’instance1. La Cour rappelle également le devoir de coopération dont les parties sont investies lorsqu’elles rédigent le protocole d’instance, tel que prévu par l’article 148 du Code de procédure civile (« C.p.c. »). Cet article exige que les parties exposent dans le protocole d’instance les motifs qui soutiennent le fait de ne pas recourir à une expertise commune, ce qui n’a pas été fait en l’espèce. La règle voulant que les parties aient recours à l’expertise commune s’inscrit dans la vague de changements qui tend à réduire les délais et les coûts pour les justiciables.

Selon la Cour d’appel, les parties qui avaient la possibilité d’être entendues, de façon écrite, lors du dépôt du protocole de l’instance, ne pouvaient se plaindre de ne pas l’avoir été après avoir omis de le compléter convenablement. C’est également ce qui ressort du nouveau libellé de l’article 152 C.p.c. qui traite du pouvoir du tribunal de « trancher [l]es divergences [du protocole] sans avoir préalablement convoqués les parties2 ».

Ultimement, bien que le juge Emery aurait pu consulter les parties sur la possibilité d’une expertise commune lors de l’audience, l’absence d’une telle consultation relève, selon la Cour d’appel, davantage d’une dérogation aux bonnes pratiques plutôt que d’un manquement à l’équité procédurale.

Quant à la deuxième question, à savoir le caractère injustifié de l’expertise commune, la Cour d’appel revient sur la norme d’intervention à laquelle elle doit se conformer en matière de jugements portant sur des questions relatives à la gestion. En effet, la demanderesse-appelante n’a pas rencontré le fardeau de démontrer que le juge Emery avait commis « une erreur flagrante, un déni de justice ou d’autres circonstances véritablement exceptionnelles »3 puisque le fait pour elle d’avoir entrepris des démarches auprès d’experts ne suffit pas à contourner la direction prise par le législateur. Procéder ainsi permettrait à toute partie qui ne veut pas se soumettre à l’expertise commune de proclamer, simplement, avoir entrepris des démarches individuellement. Enfin, selon les commentaires de la Cour d’appel, les mesures de gestion peuvent être révisées « au fur et à mesure de l’évolution du dossier et des difficultés rencontrées afin de le mettre en état pour l’instruction sur le fond »4.

3. Conclusion

Par ce jugement, la Cour d’appel tient à rappeler l’importance de s’amarrer aux changements de culture qu’imposent les nouvelles dispositions du C.p.c. afin de permettre à tous d’avoir accès à la justice dans un délai raisonnable et à coûts moindres. Ultimement, les parties doivent se prévaloir de leur droit d’être entendu au moment opportun, ce qui peut se réaliser sous la forme écrite et à l’étape même de l’élaboration du protocole de l’instance.

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1Sitba c. Consolidated-Bathurst Packaging Ltd., [1990] 1 R.C.S. 282 dans St-Louis c. La Presse ltée, 2021 QCCA 1782, 9.
2St-Louis c. La Presse ltée, 2021 QCCA 1782, 12.
3Montréal Auto Prix inc. c. Communications Stress inc., 2013 QCCA 1578, 4, dans St-Louis c. La Presse ltée, 2021 QCCA 1782, 18.
4Sobeys Québec inc. c. Dagenais, 2012 QCCA 2219, 40 et Pop c. Boulanger, 2017 QCA 1009, 36-39, dans St-Louis c. La Presse ltée, 2021 QCCA 1782, 21.

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