Le contrat d’assurance vise le paiement d’une prestation advenant la réalisation d’un risque couvert. L’évaluation de ce risque par l’assureur constitue donc un élément essentiel de sa décision de contracter ou non et selon quelles conditions.
L’article 2408 du Code civil du Québec (« C.c.Q. ») prévoit que le preneur d’un contrat d’assurance, ou l’assuré si l’assureur le demande, est tenu de déclarer toutes les circonstances connues de lui qui sont de nature à influencer de façon importante un assureur dans l’établissement de la prime, l’appréciation du risque ou la décision de l’accepter ou non. Il n’est cependant pas tenu de déclarer les circonstances que l’assureur connaît ou est présumé connaître en raison de leur notoriété, sauf en réponse aux questions qui lui sont posées.
Le contrat d’assurance repose sur le principe de la plus haute bonne foi des parties. Le preneur dispose généralement de nombreuses informations essentielles à l’analyse du risque que l’assureur ne peut lui-même connaître, comme l’état de santé ou les antécédents médicaux de l’assuré.
Selon l’article 2409 C.c.Q., l’obligation de divulgation du preneur ou de l’assuré « est réputée correctement exécutée lorsque les déclarations faites sont celles d’un assuré normalement prévoyant, qu’elles ont été faites sans qu’il y ait de réticence importante et que les circonstances en cause sont, en substance, conformes à la déclaration qui en est faite. »
La sanction d’un manquement à cette obligation de divulgation est prévue à l’article 2410 C.c.Q. :
« 2410. Sous réserve des dispositions relatives à la déclaration de l’âge et du risque, les fausses déclarations et les réticences du preneur ou de l’assuré à révéler les circonstances en cause entraînent, à la demande de l’assureur, la nullité du contrat, même en ce qui concerne les sinistres non rattachés au risque ainsi dénaturé. »
En matière d’assurance de personnes – ce qui inclut notamment les assurances vie, invalidité et maladies graves –, l’article 2424 C.c.Q. précise ce qui suit :
« 2424. En l’absence de fraude, la fausse déclaration ou la réticence portant sur le risque ne peut fonder la nullité ou la réduction de l’assurance qui a été en vigueur pendant deux ans.
Toutefois, cette règle ne s’applique pas à l’assurance portant sur l’invalidité si le début de celle-ci est survenu durant les deux premières années de l’assurance. »
Les principes généraux d’analyse de l’obligation de divulgation sont bien résumés dans une décision de la Cour supérieure rendue par l’honorable Daniel Dumais en octobre 2020 :
« [36] L’effet combiné de ces décisions et des textes de loi met en relief plusieurs principes, dont les suivants sont utiles à l’étude de la présente affaire :
- Il appartient à l’assureur d’assumer le fardeau de la preuve et de convaincre le tribunal d’annuler la police d’assurance en vigueur.
- Le preneur (ici l’assuré Roy) doit déclarer ce qu’il sait être de nature à influencer, de façon importante, la décision de l’assureur d’accepter, ou non, d’émettre une police d’assurance et d’en fixer la prime.
- Cette obligation s’apprécie en fonction du test de l’assuré raisonnable ou normalement prévoyant.
- Lorsque des questions spécifiques lui sont posées, le preneur doit y répondre.
- L’assureur est en droit de se fier aux réponses et informations fournies et n’est pas tenu d’enquêter, de façon parallèle pour vérifier la véracité du contenu. D’où l’importance de dire les choses correctement.
- Les informations omises ou erronées doivent s’avérer matérielles dans la souscription du risque aux yeux d’un assureur (et non l’assureur) œuvrant dans le domaine.
- Si l’émission de la police d’assurance remonte à plus de deux ans, on exige que la fausse déclaration ou la réticence comporte un caractère frauduleux. Cette dernière condition n’est pas requise si le décès survient moins de deux ans après l’entrée en vigueur du contrat.»1
Dans cette affaire, la Cour supérieure a conclu à la nullité d’un contrat d’assurance vie en raison de fausses déclarations ou réticences de l’assuré relativement au fait qu’il percevait une rente d’invalidité au moment de la proposition d’assurance ainsi qu’à son omission de déclarer un diagnostic de dépression, des problèmes d’intestins d’origine inconnue et des résultats de tests sanguins anormaux.
Soulignons que la cause du décès de l’assuré était accidentelle et n’avait aucun lien avec les fausses déclarations ou réticences. La conclusion de la Cour supérieure est à cet égard conforme aux dispositions de l’article 2410 C.c.Q. qui prévoit que la nullité peut être prononcée « même en ce qui concerne les sinistres non rattachés au risque ainsi dénaturé ». Ainsi, une police d’assurance pourrait être annulée en raison de fausses déclarations ou de réticences à l’égard d’une condition cardiaque, même si le décès est dû à un cancer2.
Il est fréquent que la fausse déclaration ou la réticence soit découverte après l’émission du contrat, généralement lors d’une analyse suivant la réception d’une demande de prestations. On trouve plusieurs exemples de cette situation dans la jurisprudence, notamment en matière d’assurance collective, lorsqu’il est établi qu’un adhérent a répondu par la négative à une question qui lui a été posée, alors qu’une réponse affirmative aurait déclenché une enquête plus poussée et entraîné le refus de l’adhésion3.
Pour satisfaire à son obligation de divulgation, le preneur doit répondre honnêtement à toutes les questions qui lui sont posées, même si les circonstances sont connues ou devraient l’être par l’assureur. Ce dernier n’a pas à chercher dans ses dossiers antérieurs ou à considérer des réponses qui pourraient être contenues dans une demande d’assurance précédente4.
Dans tous les cas, il incombe à l’assureur de prouver qu’il y a eu une fausse déclaration ou réticence et que celle-ci est matérielle, c’est-à-dire de nature à influencer de façon importante un assureur dans l’établissement de la prime, l’appréciation du risque ou la décision de l’accepter. Dans le cas où l’assurance est en vigueur depuis moins de deux (2) ans ou que l’invalidité a débuté au cours de cette période, l’assureur n’a pas à établir la fraude délibérée ou l’intention d’induire en erreur5.
Il ne suffit toutefois pas pour un assureur d’établir, selon ses propres normes, qu’il n’aurait pas accepté d’assurer le risque : il doit de plus prouver qu’un assureur raisonnable ne l’aurait pas fait6. Une telle preuve se fait par l’entremise d’une expertise indépendante en tarification ou par le biais d’autres assureurs.
Si l’assureur réussit à faire cette preuve, sauf exceptions, le Tribunal devra conclure à la nullité du contrat d’assurance. En principe, cette nullité entraînera l’obligation corrélative de rembourser les primes payées7.
Considérant la sévérité de la sanction, la prudence commande une divulgation complète des faits par le preneur afin d’éviter une mauvaise surprise et tout un casse-tête, pour soi ou pour ses proches, lors d’une demande de prestations.
Pour toute question en matière d’assurance de personne, communiquez avec un membre de notre équipe ici ou encore avec les auteures du présent billet :
Me Maud Rivard, associée
maud.rivard@steinmonast.ca
418 640-4423
Me Émilie Nadeau, avocate
émilie.nadeau@steinmonast.ca
418 649-4007
1 Croteau (Succession de Roy) c. T.D. compagnie d’assurance-vie, 2020 QCCS 3539 (CanLII)
2 Impériale (L’), Cie d’assurance-vie c Roy, 1990 CanLII 2695 (QC CA).
3 À titre d’exemple récent, voir A.H. c. Desjardins Sécurité financière, compagnie d’assurance vie, 2021 QCCS 2309 (CanLII), dans laquelle l’adhérent, travailleur autonome, avait erronément déclaré être un salarié, évitant ainsi de répondre aux questions sur l’assurabilité, dont les réponses auraient constitué un signal susceptible de déclencher des vérifications plus poussées.
4 Croteau (Succession de Roy) c. T.D. compagnie d’assurance-vie, précitée, note 1, par. 52 à 54.
5 A.H. c. Desjardins Sécurité financière, compagnie d’assurance vie, précitée, note 3, par. 33 à 35.
6 CGU, compagnie d’assurances du Canada c. Paul, 2005 QCCA 315, par. 2 (CanLII); Croteau (Succession de Roy) c. T.D. compagnie d’assurance-vie, précitée, note 1, par. 71 et 72.
7 Bien qu’il existe certaines décisions à l’effet que l’assureur ne serait pas tenu de rembourser les primes perçues lorsque la nullité de l’assurance résulte de fausses déclarations de l’assuré, il ressort d’autres jugements à l’effet contraire et de la jurisprudence récente qu’il sera prudent pour l’assureur de procéder au remboursement des primes au moment d’invoquer la nullité de l’assurance.