Démystifier la mise en demeure

19 October 2020

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Quel est le but de la mise en demeure ?

Elle rend exigible les obligations d’une personne. Elle somme le débiteur, soit la personne mise en demeure, d’exécuter son obligation dans le délai donné à défaut de quoi des poursuites judiciaires pourront être intentées contre elle1.

Le Code civil du Québec (« C.c.Q. »), à son article 1590, prévoit que le créancier peut, lorsque le débiteur fait défaut d’exécuter son obligation et qu’il est en demeure, 1) forcer l’exécution en nature de l’obligation, 2) obtenir, si l’obligation est contractuelle, la résolution ou la résiliation du contrat ou la réduction de sa propre obligation corrélative, ou 3) prendre tout autre moyen que la loi prévoit pour la mise en œuvre de son droit à l’exécution de l’obligation.

Il arrive que le débiteur soit en demeure par les termes du contrat (par exemple, une clause à cet effet se retrouve fréquemment dans le cas d’un bail commercial) ou encore par l’effet de la loi2, auquel cas une lettre de mise en demeure n’est pas nécessaire. Nous y reviendrons.

Dans les autres situations, un avis écrit doit être transmis au débiteur afin de lui dénoncer l’inexécution de ses obligations. Cet avis devra contenir la description claire et précise des manquements qui lui sont reprochés et doit contenir une mention exigeant qu’il exécute son obligation dans un délai raisonnable3. Ce délai raisonnable varie selon le défaut reproché, mais oscille habituellement entre dix (10) et quinze (15) jours. Par exemple, si le débiteur doit effectuer certaines vérifications suite à la réception d’une lettre de mise en demeure, le délai octroyé doit lui laisser le temps de les faire.

L’article 1595 C.c.Q. prévoit que la mise en demeure doit être écrite4. Elle prend la plupart du temps la forme d’une lettre, et ce, même si le contrat entre les parties est verbal. Elle peut également prendre la forme d’un courriel ou encore d’un message texte (SMS) malgré son caractère informel5. On doit toutefois s’assurer de transmettre la mise en demeure par un mode qui confirme sa réception.

Exceptions à l’envoi d’une lettre de mise en demeure

La loi prévoit des situations où la mise en demeure n’est pas requise :

  • lorsqu’une clause du contrat stipule que seul l’écoulement du temps prévu pour l’exécution de l’obligation aura pour effet de constituer le débiteur en demeure6,
  • lorsque le débiteur est en demeure par le seul effet de la loi7, soit :
    • lorsque l’obligation ne pouvait être exécutée utilement que dans un certain temps qu’il a laissé s’écouler ou qu’il ne l’a pas exécutée immédiatement alors qu’il y avait urgence;
    • lorsqu’il a manqué à une obligation de ne pas faire, ou qu’il a, par sa faute, rendu impossible l’exécution en nature de l’obligation;
    • lorsqu’il a clairement manifesté au créancier son intention de ne pas exécuter l’obligation ou, s’il s’agit d’une obligation à exécution successive, qu’il refuse ou néglige de l’exécuter de manière répétée.

Il appartiendra alors au créancier de démontrer que l’envoi d’une lettre de mise en demeure n’était pas nécessaire en raison d’une de ces exceptions8.

Cependant, dans certains cas, la mise en demeure n’est tout simplement pas requise. En matière extracontractuelle, par exemple, si quelqu’un se blesse sur le terrain d’un voisin, il peut le poursuivre sans mise en demeure au préalable9.

Qu’advient-il si je fais défaut de transmettre une lettre de mise en demeure ?

Règle générale, l’omission de transmettre une mise en demeure avant l’introduction d’un recours n’entraînera pas son rejet automatique. L’article 1596 C.c.Q. prévoit que la demande en justice formée par le créancier contre le débiteur, sans que celui-ci n’ait été autrement constitué en demeure, lui confère le droit d’exécuter l’obligation dans un délai raisonnable à compter de la demande. S’il y a exécution de l’obligation dans ce délai, les frais de la demande sont à la charge du créancier.

Il existe toutefois des situations où l’omission de transmettre une mise en demeure constitue une fin de non-recevoir au recours entrepris, par exemple :

  • Exécution en nature par un tiers: Le créancier qui veut faire exécuter en nature l’obligation de son débiteur, aux frais de ce dernier, doit le mettre en demeure avant le début de l’exécution par le tiers.
  • En matière de vice cachés : L’acheteur qui constate que le bien est atteint d’un vice doit, par écrit, le dénoncer au vendeur dans un délai raisonnable depuis sa découverte. Ce délai commence à courir, lorsque le vice apparaît graduellement, du jour où l’acheteur a pu en soupçonner la gravité et l’étendue10. Nous vous référons à cet effet à l’article écrit par notre collègue,
    Me Gilles-Étienne Lemieux, intitulé «Découvrir un vice caché : l’importance de le dénoncer».

En cas de doute, il est préférable de transmettre une lettre de mise en demeure afin d’éviter que votre recours soit rejeté sur cette unique base. Aussi, en l’absence d’une convention sur intérêts, ils ne commencent à courir que sur réception (et non transmission) d’une mise en demeure ou la réception d’un avis d’assignation.

Qui plus est, la mise en demeure est un excellent moyen d’entamer des discussions entre les parties et permet parfois d’éviter l’introduction d’un recours en justice.

Pour toute question sur cette matière, nous vous invitons à communiquer avec notre équipe de litige civil et commercial ici ou encore avec l’auteure du présent article.

Me Caroline Tardif, avocate
caroline.tardif@steinmonast.ca
418-640-4458


1  Vincent KARIM, Les obligations, 5e édition, Montréal, Wilson et Lafleur, 2020
Code civil du Québec, art. 1594 et 1597
Code civil du Québec, art. 1596
Code civil du Québec, art. 1595
Vincent KARIM, Les obligations, 5e édition, Montréal, Wilson et Lafleur, 2020, p. 647
Vincent KARIM, Les obligations, 5e édition, Montréal, Wilson et Lafleur, 2020, p. 649 et Code civil du Québec, c. CCQ-1991, art. 1594
Code civil du Québec, c. CCQ-1991, art. 1597
Code civil du Québec, c. CCQ-1991, art. 1598
9  Précité note 5, p. 405
10 Code civil du Québec, c. CCQ-1991, art. 1739

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