La notion de « vice caché » mérite qu’on s’y attarde en raison notamment du volume de transactions en tous genres et de la méconnaissance des parties quant à leurs obligations pré et post vente.
Que doit faire l’acheteur qui découvre un vice caché affectant un bien immobilier ou mobilier? La dénonciation d’un vice caché n’est pas à négliger puisque l’omission ou le retard à le dénoncer au vendeur pourrait être fatal en cas de recours judiciaire.
La qualification du vice caché :
L’action en vice caché prend origine dans la garantie légale de qualité prévue au Code civil du Québec1 qui existe de plein droit pour toute transaction, sans que les parties l’aient nécessairement prévue. Par contre, il demeure possible d’en modifier les effets (i.e. garantie conventionnelle) ou même de l’exclure entièrement (i.e. vente sans garantie légale).
C’est sous le regard de l’acheteur qu’on doit déterminer le caractère « caché » du vice. Il sera caché (i) s’il était inconnu de l’acheteur au moment de la vente indépendamment de la connaissance du vendeur, et (ii) s’il n’était pas apparent c’est-à-dire qu’il ne pouvait être décelé par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert. Peu importe l’attitude du vendeur ou sa connaissance du vice, l’acheteur doit procéder à un examen sérieux du bien, être à l’affût d’indices pouvant laisser soupçonner un vice et, en cas de doute sérieux, pousser plus loin sa recherche.2
Le vice caché doit exister au moment de la vente. La vétusté, l’usure ou le vieillissement du bien, sauf s’ils sont prématurés, ne constituent généralement pas un vice.
Le vice doit être grave au point de rendre le bien impropre à l’usage auquel il est destiné ou de diminuer son utilité au point où l’acheteur ne l’aurait pas acquis ou n’aurait pas donné un si haut prix s’il l’avait connu. Un vice mineur ou esthétique ne pourra donner lieu à une action en vice caché.
La notion de vice caché ne s’applique pas qu’aux immeubles, mais à tout bien de consommation conformément au Code civil du Québec et à la Loi sur la protection du consommateur.3 Les biens de consommation doivent d’ailleurs (i) pouvoir servir à l’usage auquel ils sont normalement destinés, (ii) pouvoir servir pendant une durée raisonnable, compte tenu du prix payé, du contrat et des conditions d’utilisation, (iii) être exempts de vice caché et (iv) être conformes à leur description et aux représentations faites à leur sujet.
Dénoncer le vice caché : pourquoi ?
La dénonciation du vice constitue une condition de mise en œuvre de la garantie légale ou conventionnelle et doit être faite avant que l’acheteur ne procède lui-même à la réparation ou au remplacement du bien.4
L’objectif est simple : permettre au vendeur de constater l’existence du vice et son ampleur, de vérifier s’il s’agit bien d’un vice couvert par la garantie, de constater les conséquences qui en découlent et de réparer ou de remplacer le bien à ses frais.5 Cet objectif se distingue de celui de la mise en demeure qui vise à exiger du vendeur la réparation ou le remplacement du bien ou, après son refus d’obtempérer, le remboursement des coûts.
Pour dénoncer valablement, l’acheteur qui découvre un vice caché doit transmettre à son vendeur un avis écrit (en se ménageant une preuve de sa réception par le vendeur), identifiant la nature du vice, et ce, dans un délai raisonnable.
Le délai raisonnable est généralement de six (6) mois et court dès sa découverte ou dès que le vice apparaît graduellement (ce qui peut survenir plusieurs années après l’acquisition). Bien qu’il s’agisse d’un « délai de base » à l’intérieur duquel il est plus prudent d’agir, il ne s’agit pas d’un délai prédéterminé, de rigueur ou de déchéance. Le caractère raisonnable doit s’apprécier selon les circonstances propres à chaque situation.6
Le défaut de dénoncer ou l’omission de le faire dans un délai raisonnable sont généralement considérés fatals au recours de l’acheteur7, alors que le vendeur est privé de la possibilité de vérifier l’existence du vice et de le réparer.8 La transmission de plusieurs avis de dénonciation peut même être requise suivant la découverte de plusieurs vices affectant le même bien, à défaut de quoi l’action de l’acheteur pourra être rejetée partiellement.9
Quelques cas d’exception :
Bien que la dénonciation écrite du vice soit la règle, certaines situations particulières permettent de s’en écarter.
Si le vendeur connaissait le vice ou ne pouvait l’ignorer – on pense notamment au vendeur professionnel ou au fabricant10 – il ne pourra se plaindre d’une dénonciation tardive.11 Cependant, l’acheteur doit tout de même dénoncer le vice au vendeur qui le connaissait ou qui est présumé le connaître.12
La situation d’urgence permet également à l’acheteur de procéder immédiatement aux interventions qui s’imposent, sans préalablement dénoncer le vice au vendeur.
Dans certains cas, la dénonciation verbale ou l’implication du vendeur permet de conclure à une dénonciation bonne et valable, bien que non-écrite.
Enfin, l’absence de dénonciation écrite pourrait être tolérée si le vendeur a nié sa responsabilité ou renoncé au préavis, l’omission de dénoncer étant alors sans conséquence.13
Conclusion :
Dès la découverte d’un vice, il vaut mieux agir avec prudence et dénoncer par écrit la situation à son vendeur à l’intérieur d’un délai maximal de six mois. Cette étape est non seulement cruciale aux actions en vice caché, mais permet au vendeur, dans bien des cas, de constater le vice, de prendre en charge la situation et de convenir d’une entente, le tout à la satisfaction de l’acheteur.
En cas de doute ou pour toute question relative à l’exercice de vos droits, adressez-vous aux membres de notre équipe en litige ici ou encore à l’auteur du présent billet :
Me Gilles-Étienne Lemieux, Avocat
gilles-etienne.lemieux@steinmonast.ca
418-640-4430
1 Code civil du Québec, c. CCQ-1991, art. 1726.
2 Lavoie c. Comtois, 1999 CanLII 11787 (QC CS).
3 Loi sur la protection du consommateur, RLRQ c P-40.1.
4 Gutzait c. Desmarais Daviau, 2018 QCCS 53. (voir également Pierre-Gabriel JOBIN, avec la collaboration de Michelle CUMYN, La vente, 3e éd. Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2007, par. 167.)
5 Facchini c. Coppola, 2016 QCCA 197.
6 Leblanc c. Bouchard, 2014 QCCQ 4797 (voir également Pierre-Gabriel JOBIN, avec la collaboration de Michelle CUMYN, La vente, 3e éd. Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2007).
7 Précité, note 5.
8 Précité, note 5.
9 Précité, note 4.
10 Précité, note 1, art. 1729 et 1730.
11 Précité, note 1, art. 1739.; Précité, note 7.
12 Précité, note 5.
13 Précité, note 5.