COVID-19 ET LA VACANCE OU L’INOCCUPATION DES LIEUX ASSURÉS

2 April 2020

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Afin de freiner la propagation de la COVID-19, nos gouvernements ont imposé des restrictions qui affectent de façon considérable les petites, moyennes et grandes entreprises. Depuis le 25 mars, les entreprises offrant des services jugés non-essentiels ou des activités non-prioritaires ont notamment été forcées de fermer leurs portes1.

Or, la majorité des polices d’assurance des entreprises excluent les dommages causés à des biens qui se trouvent dans des lieux laissés vacants ou inoccupés pour une période de plus de trente (30) jours.

En plus, la vacance ou l’inoccupation des lieux assurés constitue une aggravation du risque pour l’assureur.

La clause d’exclusion de vacance ou d’inoccupation pour une période de plus de trente (30) jours

Que signifient les termes « vacant » et « inoccupé » ? Il se peut que ces termes soient définis dans la police d’assurance. Toutefois en l’absence de définition, ces termes doivent être compris dans leur sens usuel, en tenant compte du contexte dans lequel ils se trouvent.

La Cour d’appel2 a conclu dans le cas d’une résidence que le terme « vacant » veut dire vide d’occupants au sens physique, vide au sens de l’usage en ce que personne ne l’utilise comme maison d’habitation ou en vue de l’habiter et vide de son contenu matériel. Le terme « vacant » comporte un élément d’abandon, qui peut être temporaire. Dans l’affaire Placements Gervasi3, la Cour supérieure a précisé que ces principes peuvent s’appliquer à un immeuble commercial en les adaptant.

À titre d’exemple, toujours dans Placements Gervasi, le tribunal a jugé que, malgré la fermeture de la banque, la présence d’un guichet automatique ouvert 24 heures sur 24 et les visites régulières d’un employé faisaient échec à l’application de cette exclusion. La vacance partielle ou l’inoccupation partielle est insuffisante pour donner application à la clause d’exclusion4.

Cependant, il serait souhaitable d’effectuer des visites quotidiennes des lieux assurés.

La notion d’ « aggravation du risque »

Un assuré doit déclarer les circonstances qui aggravent les risques stipulés dans la police d’assurance et qui résultent de ses faits et gestes5. En d’autres mots, il doit dénoncer les facteurs d’aggravation qu’il connaît et qui lui sont directement imputables. La vacance ou l’inoccupation des lieux assurés est un facteur aggravant. Il augmente le risque de vol ou de destruction, notamment en raison du manque d’entretien et de surveillance qui en résultent6.

Cela étant dit, dans le présent contexte, la vacance ou l’inoccupation des lieux assurés n’est pas due à leurs faits et gestes, mais plutôt aux restrictions imposées par nos gouvernements. Dès lors, est-ce qu’une entreprise assurée a tout de même l’obligation de dénoncer la fermeture des lieux à son assureur ?

Dans un jugement récent, la Cour supérieure7 a précisé que les termes « faits et gestes » qui se trouvent à l’article 2466 C.c.Q. s’appliquent tant aux actions d’un assuré qu’à ses inactions. Dès lors, « si ce dernier, par son incurie, laisse la situation en l’état, voir la laisse se dégrader, alors qu’il est en mesure de contrôler la situation, il serait difficile de prétendre qu’il n’y pas d’aggravation du aux faits et gestes de l’assuré »8. L’assuré devrait aussi prendre les mesures pour éviter des sinistres, par exemple, en maintenant un chauffage suffisant dans les lieux assurés. Autrement, cela pourrait possiblement être considéré comme une aggravation du risque.

Si un assuré ne déclare pas l’aggravation de risque, l’assureur pourra notamment obtenir du tribunal « une réduction proportionnelle de l’indemnité, il pourra même obtenir la résiliation du contrat s’il apporte soit la preuve de la mauvaise de l’assuré, soit la preuve qu’il aurait mis fin au contrat s’il avait été avisé de l’aggravation »9. Ainsi, cela pourra avoir un impact négatif sur l’indemnisation dans le cas où un sinistre survenait.

Certaines réactions des assureurs

Étant largement diffusées, les mesures gouvernementales adoptées en lien avec la Covid-19 sont vraisemblablement connues des assureurs.

Il est donc de connaissance publique que les lieux d’opération de certains de leurs assurés exerçant des activités non-essentielles, sont possiblement actuellement inoccupés.

Certains assureurs ont déjà informé leurs assurés que le délai de 30 jours est étendu à 90 jours au titre de la période de vacance ou d’inoccupation autorisée.

D’autres assureurs considèrent pour le moment que l’ordonnance d’interdiction est actuellement d’une durée de 30 jours et envisagent de réévaluer la situation et faire connaître leur position lorsque la période visée par l’ordonnance d’interdiction sera étendue, ce qui est à prévoir.

recommandations

Malgré qu’il soit à prévoir que les assureurs feront preuve de compréhension compte tenu des circonstances exceptionnelles auxquelles sont confrontés leurs assurés, la prudence devrait inciter les entreprises à assurer une visite régulière des lieux et le maintien et le bon fonctionnement notamment des systèmes de sécurité et des systèmes d’alarme.

Ajoutons que les assurés dont les polices contiennent des engagements formels liés à la surveillance des lieux et autres mesures concernant la protection des biens devraient prendre les dispositions pour en assurer le respect.

Dans le doute sur les mesures à prendre vous devriez contacter votre courtier ou votre assureur directement.

Pour des questions relativement à la vacance, l’inoccupation des lieux ou à l’aggravation de risque, adressez-vous aux membres de notre équipe en droit des assurances ici ou encore, aux auteurs du présent billet :

Me Claude Ouellet, Associé
Claude.ouellet@steinmonast.ca
418 640-4451

Me Nicolas Dubé, Avocat
nicolas.dubé@steinmonast.ca
418 640-4445


1 Décret 223-2020.
2 [1984] C.A. 163.
3 2006 QCCS 3694, par. 41 à 46.
4 Id., par. 50
5 Article 2466 du C.c.Q.
6 Didier LLUELLES, Précis des assurances terrestres, 5e édition, 2009, révisée en 2014, p.257.
7 2016 QCCS 2467, par. 73.
8 D. LLUELLES, préc., note 1, p.253.
9 Id., p. 260 et articles 2411 et 2466 du C.c.Q.

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