Dans le contexte actuel de la crise sanitaire entourant la Covid-19, les médecins sont plus que jamais appelés à faire preuve de disponibilité pour enrayer la pandémie. Dans ces circonstances, bien qu’exceptionnelles, ils doivent néanmoins continuer d’acquitter leurs obligations professionnelles1 et de fournir des soins selon les règles de l’art2.
Bref survol des obligations déontologiques des médecins
Les médecins ont le devoir primordial de protéger et de promouvoir la santé et le bien-être des usagers du système de santé3. Ils doivent collaborer avec les autres médecins au maintien et à l’amélioration de la disponibilité des services médicaux4. Ils doivent également exercer leur profession dans le respect de la vie, de la dignité et de la liberté des patients5 et s’acquitter de leurs obligations professionnelles avec compétence, intégrité, loyauté6 et conformément aux principes scientifiques reconnus7.
Les médecins doivent utiliser judicieusement les ressources consacrées aux soins de santé8.
Ils ne peuvent refuser d’examiner ou de traiter un patient notamment pour des raisons reliées à la nature d’une déficience, d’une maladie ou du contexte dans lequel cette déficience ou cette maladie est apparue chez le patient9.
Les médecins doivent porter secours et fournir les meilleurs soins possibles à un patient lorsqu’il est vraisemblable de croire que celui-ci présente une condition susceptible d’entraîner des conséquences graves à moins d’attention médicale immédiate10.
Le refus d’examiner ou de traiter un patient
Dans un contexte d’urgence en matière de santé publique, telle une pandémie, les médecins doivent prodiguer des services médicaux et ne peuvent refuser de soigner un patient en raison d’un motif interdit de discrimination, incluant une raison reliée à la maladie qui affecte le patient11. En refusant de prodiguer des soins à un patient en raison de la maladie qui l’affecte, notamment la Covid-19, un médecin s’expose à une plainte du syndic du Collège des médecins du Québec (le « Collège »), à une plainte intrahospitalière, à une plainte auprès de la Commission des droits de la personne et/ou à une poursuite civile.
Autrement dit, un médecin ne peut généralement refuser de prodiguer des soins ou d’assurer le suivi des soins d’un patient au motif que ce dernier est atteint de la Covid‑19, présente des symptômes pouvant être liés à la Covid-19 ou a récemment voyagé dans un pays affecté par ce virus.
Ceci dit, dans des circonstances très exceptionnelles, un médecin pourrait avoir le droit de refuser de pratiquer la médecine s’il estime être exposé à un risque inacceptable et inhabituel dans son milieu de travail. De leur côté, les hôpitaux et les cliniques médicales doivent généralement s’assurer de procurer un milieu de travail sécuritaire au personnel de la santé.
En refusant de travailler en raison d’un matériel de protection inadéquat ou en l’absence d’équipement de protection individuelle, le médecin doit être conscient qu’il s’expose aux conséquences précitées. Dans cette éventualité, le conseil de discipline du Collège, le comité de discipline intrahospitalier et les tribunaux civils devraient alors prendre en considération le contexte dans lequel le refus de prodiguer les soins a eu lieu afin de déterminer s’il y a eu violation des obligations déontologiques ou s’il y a eu faute et que la responsabilité civile du médecin est engagée.
Du côté des tribunaux civils, ces deniers sont généralement enclins, dans le cadre de l’évaluation de la raisonnabilité de la conduite professionnelle des médecins, à prendre en considération les ressources mises à leur disposition, incluant leur impossibilité à prodiguer des soins de façon sécuritaire en raison de la rareté des ressources médicales.
Conclusion
Dans le contexte actuel, la société s’attend à ce que les médecins déploient tous les efforts possibles pour diagnostiquer, traiter et suivre les patients atteints de la Covid-19. Les médecins doivent, plus que jamais, agir de façon raisonnable, rigoureuse et consciencieuse face à la limitation de l’équipement de protection individuelle et à la rareté de certains médicaments essentiels. Les médecins doivent s’adapter à cette nouvelle réalité temporaire en faisant preuve d’ingéniosité et de créativité, notamment par l’utilisation de la télémédecine, lorsqu’appropriée, par une redistribution du travail et par une utilisation et une répartition différente des ressources médicales. Finalement, le médecin doit tout de même garder en tête sa propre protection en s’assurant de pratiquer la médecine dans un contexte de travail qui ne le met pas déraisonnablement en danger.
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1 Notamment celles prévues au Code de déontologie des médecins, RLRQ c M-9, r 17 (« Code ») et à la Loi sur les services de santé et les services sociaux, RLRQ c S-4.2.
2 Ce qu’un autre médecin, normalement prudent et diligent, ferait en pareilles circonstances.
3 Code, article 3.
4 Code, article 3.1.
5 Code, article 4.
6 Code, article 5.
7 Code, article 6.
8 Code, article 12.
9 Code, article 23.
10 Code, article 38.
11 Code, article 38.