L’omission de divulguer à l’assureur les antécédents criminels d’un employé et le fait de ne pas avoir congédié ce même employé en raison de soupçons de participation à des vols antérieurs justifient-ils l’assureur d’invoquer une fausse déclaration ou une clause d’exclusion? La Cour du Québec traite de la question dans la décision Location Aarion inc. c. Royal & Sun Alliance du Canada, 2022 QCCQ 3313. Mes Jessica Gauthier et Sabrina Côté-Scuvée vous expliquent.1
Contexte
À la suite d’un vol dans l’un de ses camions de déménagement en juin 2019, l’entreprise Location Aarion Inc. (l’« Assurée ») réclame 11 750 $ à son assureur, Royal & Sun Alliance du Canada Inc. (l’« Assureur ») pour la perte des marchandises volées.
L’assureur invoque que (1) l’Assurée a omis de l’informer des accusations criminelles antérieures pour vol et recel portées contre l’employé qui était au volant du camion (le « Chauffeur ») et que (2) elle a commis une faute grave en négligeant de congédier le Chauffeur avant le sinistre, considérant que trois évènements similaires avaient déjà eu lieu.
Le Tribunal ne retient pas les deux arguments de l’Assureur. En effet, selon la Cour, il n’a pas démontré de manière prépondérante que l’Assurée a été négligente ou qu’elle a omis d’agir de manière à justifier l’application de la clause d’exclusion prévue au contrat d’assurance.
L’omission de divulgation
Lors du premier évènement en janvier 2019, la cargaison du camion sous la responsabilité du Chauffeur est volée. Il affirme alors avoir oublié de mettre le cadenas sur la porte. En avril 2019, 4 appareils électroménagers ne sont pas livrés chez un client, mais le Chauffeur affirme les avoir retournés à l’entrepôt. L’employeur n’a pas de preuve à ce moment concernant sa responsabilité. Finalement, en mai 2019, un lave-vaisselle n’est pas livré au client. Le Chauffeur affirme que l’appareil n’était pas chargé dans son camion.
La Cour conclut que l’Assurée a respecté son obligation de divulgation prévue à l’article 2408 du Code civil du Québec, soit celle de déclarer « toutes les circonstances connues de lui qui sont de nature à influencer de façon importante un assureur dans l’établissement de la prime, l’appréciation du risque ou la décision de l’accepter ». En effet, rien ne démontre que les accusations criminelles antérieures de son Chauffeur avaient été portées à sa connaissance ou qu’elle aurait dû en connaître la teneur et les divulguer à son assureur. D’ailleurs, le Chauffeur était un employé régulier depuis plusieurs années et il n’avait jamais eu de comportement problématique avant les évènements ayant précédé le sinistre. De plus, la dernière accusation criminelle datait d’environ 10 ans.
L’omission d’agir de l’Assurée
L’Assureur nie couverture en invoquant la clause d’exclusion suivante :
« 4,1. La présente « police » ne prévoit pas de garantie pour une quelconque « réclamation » basée, découlant ou se rapportant à ce qui suit : […]
- tout acte délibéré, négligent ou intentionnel, ou toute omission de la part de l’Assuré. »
L’analyse de la Cour du Québec
La Cour considère que l’Assurée n’a pas été négligente en omettant de congédier son employé avant le sinistre, lequel a par ailleurs mené au congédiement immédiat du Chauffeur. Au contraire, l’Assurée a plutôt agi avec diligence en respectant le principe de la gradation des sanctions et a respecté les principes juridiques applicables avant de mettre fin à un contrat de travail. Aucun principe juridique n’établit que trois évènements suspects cumulés ni que toute forme de malhonnêteté constituent une faute grave ou un motif valable de congédiement immédiat. D’ailleurs, ni l’Assurée, ni le client n’avait de preuve que le Chauffeur avait commis le vol des appareils ou qu’il en était le complice lors des événements passés, malgré leurs soupçons.
Le Tribunal accueille la demande de l’Assurée et conclut que la couverture d’assurance prévoyant son indemnisation s’applique. Il revenait à l’Assureur de prouver de manière claire et convaincante la négligence ou l’omission de l’Assurée en l’instance.
En conclusion, à l’égard de l’obligation de divulgation, la conduite d’un assuré doit être analysée à la lumière de ce qu’il connaît ou est présumé connaître. Quant à l’obligation d’agir, elle doit être analysée en fonction de la conduite qu’aurait adoptée un assuré raisonnable placé dans les mêmes circonstances, notamment en ce qui a trait à ses obligations à titre d’employeur, comme en l’espèce. Il s’agit essentiellement d’une analyse factuelle propre à chaque dossier.
Pour toute question en matière d’assurance, communiquez avec un membre de notre équipe Assurances, responsabilité civile et professionnelle ici ou encore avec les autrices du présent billet.
Me Sabrina Côté-Scuvée, avocate
418.640.4417
sabrina.cote-scuvee@steinmonast.ca
Me Jessica Gauthier, associée
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jessica.gauthier@steinmonast.ca
1 Les autrices remercient madame Sarah Campeau Lortie, stagiaire en droit, pour son apport au présent texte.