Certains diront qu’un véhicule autonome est une conception futuriste qui n’est pas près de circuler sur nos routes avant encore plusieurs années. Détrompez-vous, l’autonomie des véhicules routiers est une réalité bien actuelle qui prend de plus en plus d’importance au Québec et ailleurs. Bien qu’il reste encore du chemin à faire avant que nous nous rendions compte que cela fait réellement partie de notre quotidien, il faut constater qu’il existe une ouverture de la part du Gouvernement du Québec à faire avancer cette technologie. Nous devons à cet effet souligner la vision du Gouvernement du Québec et du ministre des Transports qui place le Québec dans une position enviable quant à la suite de l’évolution de cette révolution technologique.
En effet, l’un des premiers virages législatifs en ce sens remonte à la dernière modification d’importance au Code de la sécurité routière (« CSR ») en juin 2018. Ironiquement, le législateur est venu interdire l’usage de véhicules autonomes sur le réseau routier par l’adoption de l’article 492.8 CSR:
« 492.8. Nul ne peut mettre en circulation un véhicule autonome sur les chemins publics, sur les chemins soumis à l’administration du ministère des Ressources naturelles et de la Faune ou entretenus par celui-ci, sur les chemins privés ouverts à la circulation publique des véhicules routiers ainsi que sur les terrains de centres commerciaux et autres terrains où le public est autorisé à circuler. (…) »
Nous parlons tout de même d’avancement de la technologie puisqu’à la même occasion, l’article 633.1 CSR a été modifié pour donner au ministre des Transports le pouvoir d’adopter des projets pilotes relatifs aux véhicules autonomes visant à étudier, à expérimenter ou à innover à l’égard de cette technologie. De tels projets pilotes permettraient de faire exception à l’interdiction de circulation l’article 492.8 CSR.
Fait particulier, l’article 633.1 CSR mentionne que le ministre peut prévoir l’obligation, pour le fabricant ou le distributeur du véhicule autonome, de rembourser à la Société de l’assurance automobile du Québec (« SAAQ ») les indemnités qu’elle sera tenue de verser en cas d’accident automobile. En d’autres mots, il s’agit de faire abstraction du principe d’indemnisation sans égard à la responsabilité par la SAAQ (communément appelé « No-Fault »), lequel est reconnu depuis plusieurs années au Québec. Le fabricant ou le distributeur pourrait donc avoir à rembourser à la SAAQ les montants versés aux victimes d’accidents automobiles impliquant leurs véhicules autonomes.
C’est ainsi en vertu de ce pouvoir qu’en août 2018, la première mouture du Projet-pilote relatif aux autobus et aux minibus autonomes1 (« Projet-pilote ») est publiée dans la Gazette officielle du Québec. Ce projet prévoit notamment les conditions d’admissibilité pour être autorisé à participer au projet-pilote, les mesures de sécurité à prévoir et les obligations du conducteur, étonnamment, comme l’idée du véhicule autonome est l’absence de conducteur! En réalité, dans le cadre du Projet-pilote, on définit ce dernier comme étant la personne qui dirige totalement ou partiellement le véhicule et qui peut intervenir dans la maitrise du système automatisé.
Dans la première version du Projet-pilote, le ministre a exercé son pouvoir de l’article 633.1 CSR mentionné précédemment en obligeant le remboursement des sommes versées aux victimes, obligation qui devait être par ailleurs garantie par la fourniture d’un cautionnement envers la SAAQ. Selon la SAAQ2, l’objectif de l’implantation d’un tel cautionnement était « d’éviter à l’ensemble des cotisants de payer par leur contribution d’assurance les coûts d’un accident lié à un projet d’expérimentation ». Le risque de blessures liées à la nouvelle technologie était ainsi supporté par le fabricant ou le distributeur du véhicule autonome.
Seulement, à partir du 6 juin 2019, un changement de cap s’opère à cet égard. En effet, le Projet-pilote est notamment modifié par le retrait de l’obligation de remboursement et de maintien de cautionnement.
On comprend à la lecture du titre du Projet-pilote que, pour le moment, seuls les autobus et minibus peuvent bénéficier de l’adoption de tels projets d’expérimentation, les autres types de véhicules routiers, comme les camions, n’y ayant pas encore accès. Le perfectionnement de la technologie et le développement de l’acceptabilité sociale devraient amener l’industrie du transport routier de marchandises à faire usage d’une telle solution afin d’optimiser leurs opérations et entre autres faire face à la pénurie de main-d’œuvre qui frappe actuellement les entreprises. Il serait tout de même étonnant que le métier de camionneur vienne à disparaitre à court ou moyen terme. Le rôle de celui-ci devrait plutôt être amené à évoluer.
1 RLRQ chapitre C-24.2, art. 633.1., Arrêté ministériel 20118-16.
2 https://saaq.gouv.qc.ca/saaq/documentation/projets-pilotes/autobus-minibus-autonomes/