En matière d’action collective, la doctrine du cy-près, qui tire son origine de la common law, permet à un tribunal d’ordonner un plan de distribution prévoyant une compensation indirecte aux membres du groupe, lorsque l’indemnisation directe est impossible. En droit québécois, cette doctrine est codifiée aux articles 596 et 597 du Code de procédure civile1 :
« 596. Le jugement qui ordonne le recouvrement collectif prévoit la liquidation individuelle des réclamations des membres ou la distribution d’un montant à chacun d’eux.
[…]
S’il y a un reliquat, le tribunal en dispose comme il le fait lorsqu’il attribue un montant à un tiers, en tenant compte notamment de l’intérêt des membres. Si le jugement a été prononcé contre l’État, le reliquat est versé au Fonds Accès Justice.
Si la liquidation individuelle des réclamations des membres ou la distribution d’un montant à chacun d’eux est impraticable, inappropriée ou trop onéreuse, le tribunal établit le reliquat qui subsiste après la collocation des frais, des honoraires et débours et il ordonne l’attribution du montant au tiers qu’il désigne.
[…] »
[nos soulignés]
À titre d’exemple, dans un jugement rendu le 5 mars 2021 dans l’affaire Bramante c. Les Restaurants McDonald du Canada Ltée2, la Cour supérieure a approuvé le règlement d’une action collective prévoyant le versement d’une somme totale de 1 million de dollars, principalement réparties entre quatre (4) fondations d’hôpitaux, étant entendu que les montants versés devraient être utilisés à des fins destinées aux enfants3.
Dans cette affaire, il était reproché à Les Restaurants McDonald du Canada Ltée (« McDonald ») d’avoir contrevenu à l’article 248 de la Loi sur la protection du consommateur4 qui interdit de faire de la publicité à but commercial destinée à des personnes de moins de treize ans. Plus spécifiquement, il était allégué que McDonald aurait contrevenu à cette disposition dans ses promotions, en utilisant des jouets afin de rendre les repas « Joyeux Festin » plus attrayants pour les consommateurs mineurs.
Soulignons que McDonald a toujours nié toute contravention à la loi et qu’elle maintient qu’en tout temps ses pratiques ont été et demeurent conformes. Le jugement rappelle d’ailleurs que la demande pour autorisation d’exercer une action collective avait été vigoureusement contestée.
L’entente de règlement soumise et entérinée par la Cour supérieure5 prévoit différentes modalités, incluant notamment divers changements dans les pratiques de McDonald.
En ce qui concerne plus particulièrement les paiements cy-près, l’entente de règlement reflète la difficulté d’établir un mécanisme de distribution aux membres du groupe et le constat que le montant payable à chacun, s’il en est, serait minime. Ainsi, les parties ont choisi d’opter pour une indemnisation indirecte, au bénéfice de fondations ayant une fin pédiatrique, les enfants étant le public cible des jouets en litige.
Après analyse, la Cour considère qu’il s’agit d’une bonne solution au litige, vu les nombreux obstacles au recouvrement individuel, dont l’identification des clients et l’établissement du montant des dommages :
« [27] The Court considers the Cy-près payment to be a good resolution to the dispute. There were several potential hurdles to recovery by individual clients. How would they have been identified? What were their damages given that most, if not all, received the product that they contracted for? It follows that damages, if any, would have been symbolic at best.
[28] The four charities have a children’s vocation and based on the testimony heard by the Court, will commit the funds to children’s causes. The current context makes these donations even more useful.
[29] The Fonds is an agency established in the public interest, whose mission is to ensure the financing of class actions in the manner provided for by law and to disseminate information respecting the exercise of such actions. The $300,000.00 that it will receive will no doubt be helpful to its mission. »
La Cour considère donc que les critères de l’article 597 C.p.c. sont rencontrés.
Soulignons par ailleurs que la décision traite également longuement du caractère juste et raisonnable des honoraires extrajudiciaires des avocats du groupe, que le juge fixe finalement à 350 000 $, plus les taxes et débours applicables. Cette détermination n’a toutefois aucun impact sur les paiements cy-près.
Pour toute information en matière d’action collective, n’hésitez pas à communiquer avec les auteures du présent billet ou encore avec un des membres du groupe de litige civil.
Me Maud Rivard, Associée
maud.rivard@steinmonast.ca
418-640-4432
Me Émilie Nadeau, Avocate
emilie.nadeau@steinmonast.ca
418-640-4007
1 RLRQ, c. C-25.01 (le « C.p.c. »).
2 2021 QCCS 955 (CanLII).
3 À savoir, la Fondation CHU Sainte-Justine, la Montreal Children’s Hospital Foundation, la Jewish General Hospital Foundation (les fonds devant aller aux programmes de soins pour enfants et adolescents) et la Fondation CHU de Québec (les fonds étant attribués à l’unité de soins intensifs néonatals du CHUL-Centre mère-enfant) qui reçoivent 175 000 $ chacune. Le Fonds d’aide aux actions collectives reçoit pour sa part 300 000 $, conformément aux dispositions législatives et réglementaires applicables.
4 RLRQ, c. P-40.1.
5 En matière d’action collective, pour être valable, toute transaction doit être approuvée par le tribunal (art. 590 C.p.c.).