Un jugement récent de la Cour supérieure du Québec a tranché un litige opposant les propriétaires d’une installation de culture de cannabis à leur assureur, à la suite d’un incendie qui a détruit le bâtiment et les équipements1. N’ayant pas reconstruit le bâtiment dans un délai raisonnable comme requis par la police d’assurance, l’assureur a refusé de verser la valeur à neuf. Les propriétaires contestaient le montant de l’indemnité versée par l’assureur et invoquaient que les conditions générales du contrat d’assurance, dont l’exigence de reconstruction pour bénéficier de la valeur à neuf, rédigées en anglais, ne leur étaient pas opposables, car ils n’avaient pas été informés de ces conditions et n’avaient pas consenti expressément à sa langue de rédaction.
Le juge a rejeté cet argument et a conclu que les propriétaires avaient accepté que le contrat soit rédigé en anglais, après avoir reçu des explications verbales de leur courtière et avoir été informés que c’était le seul produit d’assurance disponible pour ce type de risque2. Le contrat d’assurance avait été transmis aux propriétaires et ils n’avaient pas demandé de version française ni protesté contre la version anglaise.
La juge a rappelé que le contrat d’assurance est un contrat d’adhésion, c’est-à-dire un contrat dont les clauses sont imposées par l’une des parties et qui ne peuvent pas être négociées par l’autre. À ce titre, il est soumis à l’article 55 de la Charte de la langue française, qui édictait, à l’époque des faits en litige en 2019, que ce type de contrat devait être rédigé en français, sauf si les parties exprimaient leur volonté contraire. Considérant que les assurés n’ont subi aucun préjudice découlant de la version anglaise puisqu’ils ont été indemnisés, elle rejette la demande de déclarer les clauses litigieuses inopposables aux assurés et conclut que le montant de l’indemnité versée par l’assureur est conforme à ce qui est prévu à la police d’assurance, soit la valeur dépréciée des biens.
Il est important de souligner que cette décision analyse l’ancienne version de l’article 55 de la Charte de la langue française3 qui, depuis 2022, exige désormais que la version française de la police d’assurance soit transmise à l’assuré avant qu’il ne consente à être lié par sa version anglaise et si telle est sa volonté expresse. Le nouvel article prévoit aussi que les documents se rattachant au contrat doivent être rédigés en français, sauf si les parties en décident autrement.
Ce jugement illustre toutefois la difficulté d’application du nouvel article. En effet, comme la juge le mentionne, à l’époque de la souscription, il s’agissait d’un risque très difficile à placer et la seule couverture disponible était offerte en vertu d’une police d’assurance rédigée en anglais. Dans ce cas de figure, le nouvel article 55 doit être lu avec le nouvel article 21.5 de la Charte de la langue française4 qui prévoit qu’une police d’assurance peut n’être rédigée qu’en anglais lorsqu’elle provient de l’extérieur du Québec ou lorsque son utilisation est peu répandue au Québec. Il sera donc intéressant de voir comment les tribunaux interpréteront et appliqueront ces nouvelles dispositions dans les prochains litiges impliquant des contrats d’assurance rédigés dans une autre langue que le français.
En définitive, ce jugement demeure pertinent pour souligner l’importance de bien documenter le consentement exprès de l’assuré. Bien que, dans cette affaire, ce consentement n’ait pas été consigné par écrit, les enregistrements audios ont permis de démontrer que toute l’information pertinente avait été transmise à l’assuré et que son consentement avait été obtenu.
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1 Mathieu c. Arch Insurance Limited, 2024 QCCS 2779.
2 Ibid, par. 77 à 83
3 https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/c-11#se:55.
4 https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/c-11#:~:text=21.5.,%C3%A0%20l’ext%C3%A9rieur%20du%20Qu%C3%A9bec.