Un dossier judiciaire peut se terminer de trois façons : un jugement, un règlement ou un désistement. Le désistement survient lorsque la partie demanderesse décide de retirer sa poursuite. Il met donc fin à l’instance et a pour effet de remettre les parties dans l’état où elles étaient avant le dépôt des procédures1. Les parties ont alors un délai d’un an pour reprendre possession des pièces qu’elles ont déposées au dossier de la Cour, sans quoi elles seront détruites2.
La possibilité de reprendre possession des pièces déposées à l’occasion d’une instance met en opposition deux principes de base en matière judiciaire, soit la publicité des débats3 et la maîtrise du dossier par les parties4. D’une part, la publicité des débats assure la légitimité du système de justice et favorise la confiance du public, et, d’autre part, la possibilité de retirer de la sphère publique des documents déposés à la cour peut favoriser le règlement des différends5.
Dans le récent arrêt MédiaQMI inc. c. Kamel6 la Cour suprême est justement divisée entre publicité et confidentialité.
L’affaire MédiaQMI inc. c. Kamel : la Cour suprême tranche la question de l’effet d’un désistement sur la publicité des débats
Le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal (« CIUSSS ») intente des procédures judiciaires contre l’un de ses anciens cadres alléguant un détournement de fonds, mais se désiste ensuite de son recours. Considérant que la question est d’intérêt public, MédiaQMI demande à avoir accès aux pièces, mais le CIUSSS les retire subséquemment du dossier.
En première instance, bien que le tribunal soit d’avis que le dossier est d’intérêt public, il autorise le CIUSSS à retirer les pièces qu’il avait déposées au dossier de la Cour. Les conclusions de la majorité de la Cour d’appel sont au même effet. MédiaQMI conteste le jugement jusqu’en Cour suprême, laquelle rejette l’appel de MédiaQMI et confirme les jugements des instances précédentes.
Selon la majorité, à partir du moment où une instance est terminée, le Code de procédure civile prévoit, non pas le droit, mais bien l’obligation pour une partie de retirer les pièces du dossier, sans quoi elles seront détruites par le greffe après un délai d’un an. Cependant, tant que la partie ne s’est pas prévalu de cette possibilité, les pièces demeurent au dossier et sont donc accessibles à tout tiers qui en ferait la demande7.
La faculté de retirer les pièces d’un dossier après un désistement ne porte pas atteinte au principe d’ordre public de la publicité des débats. L’obligation de destruction des pièces est une règle qui découle du même Code de procédure civile qui prévoit le principe de la publicité des débats. La majorité des juges de la Cour suprême semble ainsi refuser de donner préséance au principe de la publicité des débats sur les autres règles du Code. En termes simples, une fois les pièces retirées, elles ne font plus partie du dossier auquel le public a accès.
Dans cette affaire, le fait que MédiaQMI ait déposé sa demande avant que les pièces ne soient retirées ne change rien puisque l’obligation de détruire les pièces découle du désistement. MédiaQMI devait donc contester le désistement si elle souhaitait empêcher le retrait des pièces.
Conclusion
On retient finalement de cette décision que si une partie ne souhaite plus que les pièces qu’elle a déposées au dossier de la Cour soient accessibles au public une fois l’affaire terminée, elle aura avantage à les retirer rapidement du dossier.
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Les autrices remercient M. Antoine Pelletier, étudiant en droit, pour son apport au présent billet.
1 Art. 213 du Code de procédure civile, c. C-25.01 [C.p.c.].
2 Art. 108 C.p.c. À noter que ces mêmes principes sont applicables dans le cas d’un règlement hors cour ou d’un jugement final mettant fin à l’instance.
3 Art 11 C.p.c.
4 Art 19, al. 3 C.p.c.
5 Ibid, art. 1 à 7.
6 2021 CSC 23.
7 Évidemment, ce principe vaut dans la mesure où les pièces en question n’ont pas été déposées au greffe sous scellés, auquel cas, elles ne sont pas accessibles au public.