LE DÉLAI DE PRESCRIPTION APPLICABLE AUX PRESTATIONS D’ASSURANCE INVALIDITÉ

6 août 2020

1Dans cet arrêt, la Cour rappelle que le délai de prescription de trois ans commence à courir à chaque échéance de paiement de la prestation d’invalidité, mais que si des discussions ont lieu entre l’assureur et l’assuré relativement à la garantie d’assurance, le point de départ du délai de prescription pourrait être repoussé.

Les faits

L’appelant est bénéficiaire d’un contrat d’assurance collective conclu entre son employeur et La Capitale assureur de l’administration publique inc. dont la garantie d’assurance invalidité se divise en deux volets. Le premier prévoit que dans les 24 premiers mois, les prestations sont dues lorsque l’invalidité totale empêche l’adhérent d’exercer toutes et chacune des fonctions exigées par son emploi et le second prévoit qu’après ces 24 premiers mois, les prestations sont dues lorsque l’invalidité totale l’empêche d’exercer toute activité rémunératrice.

Le 17 janvier 2012, l’appelant subit une entorse dorsale qui l’empêche d’exercer son emploi. Il formule une demande de prestation à son assureur, laquelle est rejetée le 10 janvier 2013. Le 19 décembre 2013, l’assureur révise sa position et accepte de verser l’indemnité pour la première période d’invalidité, soit jusqu’au 17 janvier 2014. L’assureur considère que la condition de santé de l’appelant ne correspond pas à la définition d’invalidité pour le second volet.

À l’été 2017, l’appelant contacte à nouveau l’assureur après l’obtention d’une décision favorable du Tribunal administratif du Québec obligeant la Régie des rentes du Québec à lui verser des prestations d’invalidité. Malgré tout, l’assureur avise l’appelant le 26 juillet 2017 qu’il maintient sa position.

L’appelant dépose une demande introductive d’instance le 4 mai 2018 par laquelle il réclame le paiement des prestations d’invalidité depuis le 17 janvier 2014, le remboursement des primes payées jusqu’à son congédiement et des dommages-intérêts pour troubles, ennuis et inconvénients. Considérant que cette demande est prescrite, l’assureur dépose une demande en irrecevabilité.

Le juge de première instance accueille en partie la demande en irrecevabilité, concluant que la demande quant au paiement des prestations d’invalidité est prescrite depuis le 17 janvier 2017, trois ans après le dernier versement.

La prescription d’une obligation à exécution successive

La Cour d’appel conclut que le juge de première instance a commis une erreur en considérant que la prescription avait commencé à courir le 17 janvier 2014, soit lors du dernier versement par l’assureur.

La Cour rappelle que « [l]a garantie d’assurance invalidité est, à compter du moment où l’invalidité survient, une obligation à exécution successive et le délai de prescription extinctive court à compter de l’arrivée de chacun des termes mensuels prévus dans le contrat »2. En effet, la règle veut que la prescription commence à courir au moment de la naissance du droit d’action, c’est-à-dire à chaque fois que l’obligation de l’assureur de verser une prestation d’invalidité naît et devient exigible.

Conséquemment, les prestations échues entre le 17 janvier 2014, soit lors du dernier versement par l’assureur, et le 3 mai 2015, soit trois ans avant le dépôt de la demande introductive d’instance, sont prescrites. La Cour maintient le recours pour ce qui est des prestations ultérieures.

Le refus définitif par l’assureur peut repousser la date de prescription

L’appelant considère que l’avis de l’assureur du 26 juillet 2017 constitue la décision définitive de l’assureur et aurait eu pour effet de repousser le point de départ du délai de prescription.

En effet, la Cour rappelle qu’il arrive que des discussions se poursuivent entre l’assureur et l’assuré relativement à la garantie d’assurance. Dans ces cas, il y a lieu de retarder le point de départ du délai de prescription jusqu’au refus définitif de l’assureur de payer. La jurisprudence reconnaît qu’il serait déraisonnable d’exiger d’un assuré qu’il dépose un recours tant que les discussions se poursuivent3.

La date d’un refus définitif peut même avoir pour effet de repousser le point de départ du calcul de la prescription pour les prestations déjà échues et exigibles4. Cela signifie que le délai de prescription d’une prestation qui échoit durant des discussions entre l’assureur et l’assuré n’a pas encore commencé à courir. Les prestations ultérieures au refus définitif auront, pour leur part, leur propre date de prescription5.

Malgré tout, la Cour d’appel rejette les prétentions de l’appelant et confirme que les discussions ayant eu lieu à l’été 2017 n’ont pas eu pour effet de repousser le point de départ du délai de prescription puisque ces échanges ne constituaient qu’une contestation par l’appelant d’une décision déjà prise par l’assureur le 19 décembre 20136.

Conclusion

On constate donc l’importance pour l’assureur de toujours être clair dans les avis envoyés à l’assuré, car il pourrait arriver qu’un avis soit de nature à repousser le point de départ du délai de prescription.

Pour toute question concernant les litiges en matière d’assurance, adressez-vous aux membres de notre équipe de litige en assurance ici ou aux auteures du présent billet.

Me Émilie Bilodeau, Associée
emilie.bilodeau@steinmonast.ca
418 640-4435

Me Catherine Pilote-Coulombe, 
Avocate
catherine.pilote-coulombe@steinmonast.ca
418 640-4445


1 B.J. c. La Capitale assureur de l’administration publique inc., 2020 QCCA 615.
2 Id., par. 44.
3 Id., par. 52.
4 Id., par. 53.
5 Id., par. 54.
6 Id., par. 61-63

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