La méthode est déjà utilisée par plusieurs entreprises et organisations. Les progrès technologiques des dernières années ont fait en sorte qu’il est désormais aisé d’interagir en direct et simultanément avec d’autres individus dispersés à travers le globe. Le téléphone, bien évidemment, permet une synergie vocale indéniable. Les nouvelles applications en ligne de vidéoconférence permettent toutefois aux participants de non seulement échanger en paroles, mais également en gestuelle et en langage non verbal, un peu comme si les participants étaient tous réunis autour d’une même table.
Avec le confinement des dernières semaines, nous avons pratiquement tous expérimenté des applications telles que Zoom®, Microsoft TeamsMC, Skype® ou Google MeetMC et avons découvert une partie de leur potentiel, si ce n’est que pour tenir les désormais fréquents 5 à 7 virtuels avec nos amis et nos proches!
Au Québec, la plupart des lois corporatives permettent déjà la tenue de réunions et d’assemblées par des moyens technologiques, mais parfois avec certaines contraintes ou exigences. En voici quelques exemples:
- Les sociétés par actions
En vertu des articles 137 et 175 de la Loi sur les sociétés par actions1 (la « LSA »), les administrateurs et les actionnaires peuvent tenir respectivement leurs réunions et assemblées par des moyens permettant à tous les participants de communiquer immédiatement entre eux. Toutefois, dans le cas des réunions des administrateurs, aucune disposition à l’effet contraire ne doit être stipulée au règlement intérieur de la société et tous les administrateurs doivent consentir à tenir une réunion par moyen technologique. Pour les actionnaires, l’article 175 de la LSA prévoit, quant à lui, que le règlement intérieur de la société doit expressément permettre la tenue d’une assemblée par un moyen technologique, mais sans toutefois assujettir sa tenue à l’accord préalable des actionnaires.
- Les personnes morales sans but lucratif
Pour les personnes morales sans but lucratif régies par la partie III de la Loi sur les compagnies2 (la « LCQ »), la situation était quelque peu différente jusqu’à tout récemment.
Avant le 6 novembre 2019, l’article 89.2 de la LCQ permettait seulement aux administrateurs (et non aux membres) de ces personnes morales de tenir leurs assemblées par des moyens permettant à tous les participants de communiquer oralement entre eux, si ces derniers étaient tous d’accord et seulement dans la mesure où aucune disposition contraire n’était stipulée à l’acte constitutif ou aux règlements de la personne morale.
La Loi modifiant la Loi sur les compagnies concernant la participation et la prise de décision aux assemblées des personnes morales sans capital-actions3, entrée en vigueur le 6 novembre 2019, a changé la donne en permettant aux assemblées de membres de bénéficier également de ces mesures. Au surplus, suite à des modifications du texte de l’article 89.2 LCQ, le consentement préalable de tous les participants à l’assemblée n’est plus exigé. Le moyen technologique utilisé doit permettre une communication immédiate entre les participants (au lieu d’une communication orale). Cette dernière modification s’applique donc tant à une réunion des administrateurs qu’à une assemblée des membres. Nous vous référons à notre billet antérieur qui portait spécifiquement sur cette situation.
La LCQ prévoit également qu’un vote peut alors être entièrement tenu par tout moyen de communication permettant, à la fois, de recueillir les votes de façon à ce qu’ils puissent être vérifiés subséquemment et que le caractère secret du vote soit préservé, si un tel vote est demandé.
- Les coopératives
Les coopératives n’échappent pas à la règle. Toutefois, l’article 79.1 de la Loi sur les coopératives4 (la « LC ») impose une contrainte additionnelle en exigeant que la participation à une assemblée extraordinaire des membres par des moyens de communication permettant à tous les participants de communiquer entre eux, soit autorisée au préalable par règlement. Notons que la disposition n’exige pas que la communication entre les participants soit immédiate ni même orale, laissant le soin au règlement de déterminer les exigences applicables à la tenue d’une telle assemblée et au vote lors de celle-ci. Soulignons toutefois que la loi ne semble pas permettre la tenue d’une assemblée annuelle des membres par de tels moyens technologiques.
Quant au conseil d’administration, l’article 95 de la LC permet également la tenue d’une réunion par des moyens de communication permettant à tous les participants de communiquer entre eux, mais subordonne sa légalité et sa légitimité aux dispositions des règlements de la coopérative ainsi qu’à l’accord de la majorité des administrateurs. L’article ne précisant pas si cette majorité exigée est celle des membres présents à la réunion ou de tous les membres en fonction, nous sommes d’avis de privilégier cette dernière interprétation.
- Les personnes morales régies par le Code civil du Québec
Globalement, pour toutes les personnes morales régies par le Code civil du Québec, l’article 344 précise que « Les administrateurs peuvent, si tous sont d’accord, participer à une réunion du conseil d’administration à l’aide de moyens permettant à tous les participants de communiquer immédiatement entre eux. » Ce principe s’applique donc de manière subsidiaire à toute personne morale régie par le droit en vigueur au Québec. Nous avons toutefois vu que certaines lois particulières ajoutent des conditions à ce principe de base.
L’arrêté ministériel 2020-029 adopté le 26 avril 2020, concernant l’ordonnance de mesures visant à protéger la santé de la population dans la situation de pandémie de la COVID-195, vient largement assouplir les règles exposées ci-dessus pour toutes les entreprises, sociétés et organisations régies par les lois du Québec6.
Cet arrêté ministériel édicte « que toute réunion, séance ou assemblée qui a lieu en personne, y compris celle d’un organe délibérant, puisse se tenir à l’aide d’un moyen permettant à tous les membres de communiquer immédiatement entre eux; lorsque la loi prévoit qu’une séance doit être publique, celle-ci doit être publicisée dès que possible par tout moyen permettant au public de connaître la teneur des discussions entre les participants et le résultat de la délibération des membres ».
Il prévoit également « que lorsqu’un vote secret est requis, celui-ci puisse être tenu par tout moyen de communication convenu par toutes les personnes ayant droit de vote ou, à défaut, par tout moyen permettant, à la fois, de recueillir les votes de façon à ce qu’ils puissent être vérifiés subséquemment et de préserver le caractère secret du vote ».
C’est donc dire que toutes les limitations exposées ci-dessus, quant à l’accord préalable ou l’absence de dispositions contraires dans l’acte constitutif ou les règlements ou encore la permission expresse de tenir une assemblée ou une réunion par des moyens technologiques devant se retrouver dans un règlement de régie interne ne tiennent plus, du moins tant et aussi longtemps que durera l’état d’urgence sanitaire au Québec.
En terminant, soulignons que si votre entreprise ou organisation est de juridiction fédérale (comme une société par actions régie par la Loi canadienne sur les sociétés par actions7 ou encore une organisation sans but lucratif régie par la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif8), vous ne pourriez bénéficier de ces assouplissements, considérant que la portée juridictionnelle de l’arrêté ministériel 2020-029 est limitée aux lois et règlements du Québec et ne peut donc s’étendre aux lois et règlements de juridiction fédérale.
Pour des questions en matière de gouvernance et régie d’entreprise, adressez-vous aux membres de notre équipe en droit des affaires ici ou encore aux auteurs du présent billet :
Pascal Lepage, Associé Antoine P. Beaudoin, Associé
pascal.lepage@steinmonast.ca antoine.beaudoin@steinmonast.ca
418 640-4404 418 640-4440
1 RLRQ, c. S-31.1.
2 RLRQ, c. C-38.
3 L.Q. 2019, chapitre 23.
4 RLRQ, c. C-67.2.
5 A.M. 2020-029 (2020) 18A G.O.Q. II, 1632A.
6 Cet arrêté ministériel ne trouve aucune application pour les entreprises, sociétés et organisations corporatives régies par les lois fédérales.
7 L.R.C. (1985), ch. C-44
8 L.C. 2009, ch. 23