CONSTATS D’INFRACTION POUR RASSEMBLEMENTS ILLÉGAUX – CADRE JURIDIQUE

14 avril 2020

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Le 13 mars 2020, le gouvernement du Québec déclarait par décret l’état d’urgence sanitaire1,  en raison de la menace réelle grave à la santé de la population qu’est la pandémie de la COVID-192.

L’état d’urgence sanitaire habilite notamment le gouvernement à ordonner toute mesure nécessaire pour protéger la santé de la population3. C’est dans ce contexte que des mesures concernant les rassemblements ont été adoptées. Dans les débuts de la crise, seuls les rassemblements intérieurs de plus de 250 personnes étaient interdits4, mais la situation évoluant rapidement, ce sont désormais tous rassemblements intérieurs ou extérieurs qui le sont, sauf pour les exceptions spécifiquement prévues par décret5. Parmi ces exceptions se trouve entre autres le rassemblement extérieur si une distance minimale de deux mètres est maintenue entre les personnes rassemblées6.

Or, afin de forcer davantage la distanciation sociale et inciter les plus récalcitrants à se conformer, les corps policiers sont dernièrement passés d’une approche préventive à une approche davantage punitive en émettant des constats d’infraction aux contrevenants, engageant ainsi leur responsabilité pénale.

En effet, les mesures prévues aux décrets, dont l’interdiction de rassemblement, sont des ordres donnés en vertu de la Loi sur la santé publique (« Loi »), laquelle prévoit qu’une personne qui y contrevient commet une infraction7. À cet égard, notons que les simples recommandations du gouvernement qui ne font pas partie des décrets ou des arrêtés ministériels, comme le port du masque dans les lieux publics, ne sont pas des ordres au sens de cette loi. Le fait de manquer à ces recommandations ne peut donc pas entrainer en soi l’émission d’un constat.

Initialement, l’émission de constats en vertu de la Loi était plutôt marginale et ne semblait se faire qu’en présence de cas clairs et flagrants de manquements. Les policiers qui intervenaient alors le faisaient par le biais d’un rapport d’infraction général, aussi appelé constat « long ». Il s’agit essentiellement d’un rapport qui est soumis à un procureur du Directeur des poursuites criminelles et pénales (« DPCP ») pour analyse. Le DPCP, s’il considère qu’une infraction a effectivement été commise, fera alors signifier un constat d’infraction au défendeur. C’est d’ailleurs à compter de cette signification que celui-ci aura normalement 30 jours pour transmettre un plaidoyer de culpabilité ou de non-culpabilité8. Si ce système permet une analyse plus approfondie de chaque dossier et aide à éviter l’émission de certains constats à leur face même non fondés, cela demeure plus long et demande plus de ressources.

Or, dans un contexte où le gouvernement souhaite décourager les rassemblements illégaux sur-le-champ, il est souhaitable que le processus avance plus rapidement. Pour cette raison, le DPCP a annoncé le 4 avril dernier sa décision d’autoriser d’abord la Sûreté du Québec, ainsi que certains corps policiers municipaux (Montréal, Laval et Québec) à émettre directement des infractions aux contrevenants, et ce, sans qu’un procureur n’ait à se pencher sur le dossier. Cette autorisation a ensuite été élargie à tous les services de police le 7 avril 2020.

En vertu de l’article 139 de la Loi, ces infractions sont passibles d’une amende de 1 000 $ à 6 000 $9 et ces montants seront doublés en cas de récidive10. Néanmoins, dans le cas d’un constat signifié directement par les policiers grâce à l’autorisation du DPCP, l’amende minimale sera imposée11. Évidemment, comme pour tout constat d’infraction, ils pourront être contestés et il sera du fardeau de la poursuite de faire la preuve hors de tout doute raisonnable de leur commission.

Les mesures mises en place étant appelées à évoluer rapidement avec la crise de la COVID-19, il est primordial de demeurer informé quotidiennement des ordonnances gouvernementales. Leur ignorance ne sera pas une défense recevable par les tribunaux en cas de contravention. Pour des questions en matière de constat d’infraction, adressez-vous aux auteures du présent billet :

Me Camille Couture, Avocate
Camille.couture@steinmonast.ca
418 649-4009
Me Sarah Routhier, Avocate
sarah.routhier@steinmonast.ca
418 640-4414

1 Décret 177-2020, 13 mars 2020. L’état d’urgence sanitaire a été renouvelé à deux reprises depuis le 13 mars 2020 par le Décret 222-2020, 20 mars 2020 et le Décret 388-2020, 29 mars 2020.
2 Ce pouvoir est prévu à l’article 118 de la Loi sur la santé publique, RLRQ c. S-2.2 (« Loi »).
3 Ibid, art. 123 al.1 (8).
4 Décret 177-2020, préc. note 1.
5 Décret 222-2020, préc. note 1.
6 Ibid.
7 Loi sur la santé publique, art. 139, préc. note 2.
8 Code de procédure pénale, RLRQ, c. C-25.1, art. 160. L’Arrêté numéro 2020-009 de la ministre de la Santé et des Services sociaux en date du 23 mars 2020 suspend présentement le délai pour transmettre un plaidoyer à la suite de la signification d’un constat d’infraction.
9 Loi sur la santé publique, art. 139, préc. note 2.
10 Ibid, art. 142.
11 Règlement sur la forme des constats d’infraction, RLRQ, c. C-25.1, r. 1, art. 23 al. 1 (2).

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