Abus de procédure et revendications autochtones : victoire en Cour suprême pour la Nation métisse de la Saskatchewan

14 mars 2025

 

Retour sur l’arrêt Saskatchewan (Environnement) c. Métis Nation – Saskatchewan, 2025 CSC 4

Le 28 février 2025, la Cour suprême du Canada a rendu un arrêt important dans l’affaire Saskatchewan (Environnement) c. Métis Nation – Saskatchewan, 2025 CSC 4. Cette décision unanime marque une étape significative dans le litige opposant la Nation métisse de la Saskatchewan (« MNS ») et la province, en rejetant l’argument d’abus de procédure, confirmant ainsi le droit de MNS de poursuivre son recours en justice concernant l’absence de consultation dans le cours du processus d’octroi de permis d’exploration d’uranium.

 

MNS et la Saskatchewan : un litige de longue date

 

Le litige opposant MNS et la Saskatchewan perdure depuis plus de 20 ans :

1994 : MNS a intenté un recours pour faire reconnaître un titre ancestral et des droits ancestraux dans le nord-ouest de la province, mais ce recours avait été suspendu en 2005, faute de communication de documents.

2020 : une nouvelle procédure visant à faire déclarer que la Saskatchewan a l’obligation de la consulter sur ces mêmes revendications a été déposée. Une décision sur une requête en jugement sommaire est encore en attente actuellement.

2021 : après la délivrance de permis d’exploration d’uranium sur un territoire revendiqué par la Nation métisse, cette dernière a déposé une demande de révision judiciaire, contestant l’absence de consultation du processus d’octroi. La Saskatchewan a tenté de faire radier certains passages de cette requête en invoquant un abus de procédure, arguant que les recours précédents rendaient cette nouvelle procédure redondante.

 

Le maintien par MNS de sa requête de 2021 constitue-t-il un abus de procédure au regard des actions précédentes1?

 

Non. La Cour a rejeté l’argument de l’abus de procédure et a affirmé que même en présence de multiples recours judiciaires sur des questions similaires, cela ne constitue pas un abus de procédure tant que cela ne menace pas l’intégrité du système judiciaire2.

Permettre à MNS d’affirmer un manquement à l’obligation de consulter dans la Requête de 2021, malgré la suspension de l’action de 1994, ne constitue pas un abus de procédure. Reprenant les principes des arrêts Haïda3 et Rio Tinto4, la Cour réaffirme que l’obligation de consulter s’applique jusqu’à la décision définitive sur les revendications de titres ou de droits ancestraux5.

Sans que le litige porte sur le fond des revendications quant à l’obligation de consulter de la province, la Cour présente aussi une revue des principes établis depuis l’arrêt Haïda6.

 

Par ailleurs, la Cour estime qu’il n’y a pas de chevauchement suffisant entre les recours de MNS pour constituer un abus de procédure, et que l’existence de plusieurs recours en l’espèce, ne compromet pas la cohérence ou l’économie des ressources judiciaires7.

Elle admet que le caractère définitif du litige pourrait être compromis si l’action de 2020 et la requête de 2021 aboutissaient à des résultats contradictoires concernant l’obligation de consultation des peuples autochtones par la Saskatchewan au sujet des droits ancestraux. Cependant, elle suggère que la gestion d’instance pourrait éviter cette incompatibilité, rendant ainsi inappropriée une mesure radicale comme la radiation des actes de procédure8.

 

Finalement, la Cour a rappelé que, bien que l’abus de procédure soit possible dans des instances auxquelles participent des plaideurs autochtones, le contexte unique des litiges visant à faire valoir des droits ancestraux doit toujours être gardé à l’esprit, notamment en ce qui concerne la question de l’existence ou non d’un abus de procédure9.

 

Cet arrêt clarifie les principes relatifs à l’abus de procédure en droit autochtone et réaffirme l’obligation de consulter les peuples autochtones avant d’autoriser des projets ayant un impact potentiel sur leurs droits ancestraux, bien que la Cour suprême ne se soit pas prononcée sur le fonds des revendications de MNS ni sur la question de savoir si le gouvernement provincial avait l’obligation de la consulter ou s’il l’avait violée.

 

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1. Saskatchewan (Environnement) c. Métis Nation – Saskatchewan, 2025 CSC 4, par. 29.

2. Ibid., par. 39-40.

3. 2004 CSC 73.

4. 2010 CSC 43.

5. Saskatchewan (Environnement) c. Métis Nation – Saskatchewan, 2025 CSC 4, par. 50.

6.  Ibid., par. 50-52.

7. Ibid., par. 58-59.

8. Ibid., par. 60.

9. Ibid., par. 62.

 

Auteur(e)s : Mes Catherine Cloutier, Laurie-Ann Laveau, Simon Philipzik

 

 

Catherine Cloutier,
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Simon Philipzik,
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