La tenue d’interrogatoires et d’auditions à l’aide de moyens technologiques: les 5 commandements

8 juillet 2020

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Bien que la réouverture progressive des palais de justice ait débuté le 1er juin dernier, il y a fort à parier que les progrès réalisés à vitesse grand V menant à la tenue virtuelle d’auditions et d’interrogatoires ne seront pas mis de côté de sitôt. Nous anticipons en effet que la tenue d’auditions et d’interrogatoires à l’aide de moyens technologiques devienne pratique courante pour les mois à venir.

Si vous devez participer à distance à un interrogatoire, une conférence de règlement à l’amiable ou une audition, que ce soit à titre de témoin, de partie ou d’avocat, voici certains éléments à mettre en place afin de s’assurer que le tout se déroule de façon optimale.

  1. Respectez le décorum

Puisque les moyens technologiques permettent aux différents intervenants de participer dans le confort de leur foyer, nous avons assisté à certains légers dérapages. Des événements ont également été rapportés dans les médias à l’effet que certaines personnes se présentaient torse nu, dans leur lit ou vêtus de manière inappropriée.

Or, l’interrogatoire ou l’audition, qu’ils aient lieu à distance ou non, impliquent un certain décorum. Les participants ont souvent tendance à oublier le fait que chacun des participants peut les observer tout au long de l’interrogatoire.

Il y a donc lieu de soigner son comportement et sa tenue vestimentaire de la même manière que si l’audition ou l’interrogatoire avaient lieu en salle de Cour. En effet, le système de justice contradictoire reposant en grande partie sur la crédibilité des témoins entendus, il est important de faire preuve de respect à l’égard de la Cour et de démontrer son intérêt et le degré d’importance que l’on accorde à la cause entendue.

Le fait de fumer, manger ou même consommer des boissons alcoolisées, ce qui a déjà été observé, est également à éviter, bien que le participant se trouve dans sa résidence. Des pauses ou des périodes prévues pour les repas sont pratique courante lors d’interrogatoires ou d’auditions et il vous est toujours possible d’en demander au besoin.

Durant les pauses, il est fortement recommandé d’éteindre le micro et même parfois la caméra, puisque les participants, les avocats et le juge pourront voir et entendre tout ce qui se déroulera dans la pièce. L’enregistrement du sténographe ou de la salle de Cour pourraient également demeurer en fonction durant les pauses.

Finalement, tout enregistrement clandestin de la session par les participants est à proscrire, le tout étant réservé au personnel du palais de justice ou au sténographe officiel mandaté pour produire les notes sténographiques de l’interrogatoire.

  1. Assurez-vous d’un environnement adéquat

Encore une fois, le fait qu’un avocat, une partie ou un témoin puissent participer à partir de sa résidence ne veut pas dire que tout soit permis ou acceptable. Il est préférable de choisir un emplacement calme et bien éclairé. Une pièce fermée est à privilégier, lorsque possible. Il serait préférable d’aviser les autres occupants de la résidence de la tenue de l’interrogatoire ou de l’audition, afin d’éviter la circulation inutile et le bruit ambiant.

Afin de préserver son intimité, il y a également lieu de vérifier ce que l’ensemble des participants peut apercevoir en arrière-plan et ainsi éviter des situations embarrassantes ou détourner inutilement l’attention.

Finalement, participer ou assister virtuellement à un interrogatoire ou à une audition dans un lieu public est à proscrire, tout comme l’utilisation d’un réseau sans fil public.

  1. Prévoyez et testez le matériel nécessaire

La tenue d’une audition ou d’un interrogatoire à l’aide de moyens technologiques nécessite évidement un minimum d’équipement et de préparation. Tout participant devra disposer d’un ordinateur, d’un ordinateur portable ou d’une tablette munis d’une caméra et d’un micro fonctionnels. Dans certains cas, il peut être préférable pour une partie d’utiliser des écouteurs ou un casque d’écoute.

Bien que l’utilisation d’un téléphone cellulaire soit possible, on ne devrait l’utiliser qu’en dernier recours, étant donné la dimension limitée de l’écran et la difficulté d’y consulter les documents ou d’y voir les nombreux participants.

L’équipement choisi devra également disposer d’une connexion internet assez puissante et stable. Bien qu’un réseau sans fil puisse faire l’affaire s’il n’y a pas d’autres utilisateurs connectés sur le même réseau, il est recommandé de connecter l’appareil directement, par câble, à un routeur ou à une prise internet, afin d’assurer une connexion constante, sans interruption soudaine.

Afin de s’assurer du bon fonctionnement de la plateforme choisie par les parties (Zoom, Webex, Teams, etc.) ou imposée par la Cour (WebRTC ou Teams) pour tenir l’interrogatoire ou l’audition, il est recommandé de procéder à un test préliminaire. Cette pratique permet également aux participants de se familiariser avec les quelques fonctionnalités permettant d’activer et d’éteindre le micro et la caméra.

  1. Planifiez l’accès à la documentation requise

Toute partie désirant référer à des documents lors de l’interrogatoire ou de l’audition doit s’assurer que ces documents soient en possession de l’ensemble des participants.

Les avocats doivent donc fournir aux témoins les documents en question, ainsi que les procédures et les pièces et porter une attention particulière à la nomenclature des documents transmis. Ils doivent être identifiés de façon uniforme et précise, afin que l’ensemble des intervenants puisse y référer et les retracer rapidement.

Les témoins ou les parties doivent quant à eux s’assurer d’être en mesure d’y accéder pendant l’interrogatoire, de les voir lorsqu’ils sont projetés à l’écran ou de les consulter à l’aide d’un second support (ordinateur, tablette, téléphone ou en version papier).

Si un témoin réfère à des documents ou des notes personnelles qu’il a en sa possession mais qui n’ont pas été préalablement transmis aux autres intervenants, ces derniers pourront requérir d’obtenir copie de tous les documents qu’il a consultés au cours de l’interrogatoire. Il serait préférable pour les avocats qui interrogent de valider en début d’interrogatoire ce que le témoin a en sa possession, lorsque l’écran n’est pas positionné de manière à montrer une vue élargie de la pièce.

  1. Favorisez un déroulement harmonieux

Il est primordial, que ce soit pour un témoin ou un avocat, d’attendre la fin de l’intervention de la personne qui s’exprime avant de répondre. En effet, des délais ou des interruptions sont parfois causés par la plateforme ou la connexion internet, ce qui complique la retranscription et la compréhension lorsque les interventions sont simultanées.

Les participants devraient s’assurer d’éviter tout bruit ambiant susceptible d’altérer l’enregistrement. Pour la même raison, ils devraient fermer leur micro lorsqu’ils n’interviennent pas, tout comme leur caméra. Cela aurait également pour effet de préserver la bande passante et limiter les problématiques de ralentissement ou d’interruption complète de la connexion internet, nuisant grandement au déroulement de l’interrogatoire et pouvant même mener ultimement à son report.

En temps normal, un participant devrait être seul dans la pièce où se tient l’interrogatoire ou l’audition en mode virtuel. Le fait de demander qui est présent ou d’effectuer une tournée de la pièce à l’aide de la caméra pourrait être requis par l’avocat avant de débuter son interrogatoire.

La présence de plusieurs personnes dans une même pièce lors de l’interrogatoire sera permise si elles sont parties à la même cause; des codemandeurs ou codéfendeurs qui sont également des conjoints ou des membres d’une même famille, à titre d’exemple.

Ces personnes doivent toutefois éviter de discuter entre elles pendant l’interrogatoire et de répondre collectivement ou en alternance aux questions qui sont posées. Cela complique grandement le travail de tous les intervenants et complexifie la compréhension et la retranscription.

Conclusion

Le respect de ces quelques règles d’usage rendra la tenue d’interrogatoires et d’auditions en mode virtuel plus agréable pour tous les intervenants. Les parties peuvent également convenir d’un protocole concernant la tenue d’interrogatoires préalables par un moyen technologique, afin d’en déterminer les modalités et les balises. Il s’agit évidemment d’une adaptation du système judiciaire à la situation de crise, mais cette pratique est appelée à se développer puisqu’elle présente des avantages pratiques certains, notamment la réduction des déplacements.

Pour des questions en matière de litige et adressez-vous aux membres de notre équipe en litige ici ou encore à l’auteure du présent billet :

Me Jessica Gauthier, Associée
Jessica.gauthier@steinmonast.ca
418 640-4434

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