Santé et sécurité du travail : infractions criminelles et pénales

23 mars 2022

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La Loi sur la santé et la sécurité du travail 1 (« LSST ») impose à tout employeur des obligations relativement à la protection de la santé, la sécurité et l’intégrité physique et psychique des travailleurs. L’employeur qui fait défaut de respecter ses obligations en matière de santé et de sécurité peut notamment faire l’objet de sanctions pénales et criminelles.

Infractions pénales

Lorsqu’un manquement en matière de santé et sécurité du travail est constaté par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (« CNESST »), celle-ci peut intenter une poursuite pénale en vertu des articles 236 et 237 LSST. Il est à noter que ces infractions ne visent pas exclusivement les employeurs puisque le terme « quiconque » employé par le législateur inclut également les travailleurs, les superviseurs et autres.

L’infraction prévue à l’article 236 LSST nécessite la démonstration de la violation d’une obligation prévue par la LSST ou de l’un des règlements adoptés en vertu de cette loi. Cette infraction est fréquemment jumelée à l’article 51 LSST qui prévoit diverses obligations générales qui incombent aux employeurs en matière de santé et sécurité.

En ce qui a trait à l’infraction prévue à l’article 237 LSST, celle-ci ne nécessite pas la démonstration d’un manquement à une obligation précise découlant de la loi ou d’un règlement. Il s’agit d’un article autonome qui requiert la preuve que le contrevenant a compromis directement et sérieusement la santé, la sécurité ou l’intégrité physique ou psychique d’un travailleur. Une poursuite pénale intentée en vertu de l’article 237 LSST vise généralement à sanctionner des manquements plus graves et les amendes associées à la contravention de cet article sont plus importantes.

Les infractions prévues aux articles 236 et 237 de la LSST sont de responsabilité stricte. Cela signifie que la CNESST n’a pas besoin de démontrer une quelconque intention coupable de la part de celui qui commet l’infraction; seuls les éléments essentiels qui composent ces infractions doivent être prouvés.

Selon les circonstances, le contrevenant peut présenter un moyen de défense, notamment une défense de diligence raisonnable, d’erreur de fait et/ou une défense fondée sur l’erreur de droit provoquée par une personne en autorité.

Lorsque le contrevenant est reconnu coupable de l’une ou l’autre des infractions prévues aux articles 236 et 237 LSST, le tribunal lui impose une pénalité monétaire. Ces articles prévoient des amendes qui sont indexées annuellement et qui varient selon que le contrevenant est une personne physique ou une personne morale. Elles augmentent en cas de récidive et de récidive additionnelle. Pour l’année 2022, les amendes maximales pouvant être imposées aux personnes physiques sont respectivement de 7 263 $ en vertu de l’article 236 LSST et de 14 528 $ en vertu de l’article 237 LSST. Quant aux personnes morales, l’amende maximale est de 14 528 $ en cas d’infraction à l’article 236 LSST et de 363 185 $ en vertu de l’article 237 LSST2.

Infractions criminelles

Le Code criminel prévoit qu’une organisation, notamment une personne morale, ou un individu peuvent être reconnus coupables de négligence criminelle3. La culpabilité sera reconnue lorsqu’une organisation ou un individu fait ou omet « de faire quelque chose qu’il est de son devoir d’accomplir, montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui »4. Il faut également que cette action ou omission cause des lésions corporelles ou la mort.

Lorsqu’un individu est déclaré coupable de négligence criminelle, le Code criminel prévoit les peines d’emprisonnement maximales suivantes :

  • dix ans s’il cause des lésions corporelles à une autre personne5;
  • à perpétuité s’il cause la mort d’une autre personne6.

Lorsque qu’une organisation est reconnue coupable, il n’est alors évidemment pas possible de lui imposer une peine d’emprisonnement. Elle est plutôt passible d’une amende dont le montant est déterminé par le tribunal. Contrairement aux infractions pénales prévues aux articles 236 et 237 LSST dont l’éventail des amendes possibles est connu, il n’y a aucune limite au montant de l’amende qui pourrait être imposée en cas de négligence criminelle; l’évaluation du montant de la peine étant laissée à la discrétion du tribunal. L’organisation est également passible d’une suramende compensatoire qui représente généralement 30 % de l’amende infligée7.

Jusqu’à présent, peu d’employeurs ont été déclarés coupables de négligence criminelle. Le cas le plus récent répertorié est celui de la Boucherie Huot. Dans cette affaire, l’ancien président et propriétaire de la Boucherie Huot, ainsi que son fils, qui veillait à l’entretien des équipements, ont été déclarés coupables de négligence criminelle. En décembre 2021, la juge Annie Trudel a entériné une suggestion commune des parties de dédommager la victime. Une telle ordonnance demeure peu courante en cette matière. La peine infligée à l’ancien propriétaire et à son fils a donc été de verser à la victime la somme de 125 000 $ en plus de devoir purger une peine d’emprisonnement de 90 jours.

Conclusion

Ce billet ne constituant qu’un bref survol de ce vaste sujet, il est évidemment judicieux de consulter des professionnels lorsqu’un manquement en matière de santé et de sécurité du travail est susceptible d’avoir des conséquences pour votre entreprise.

Pour toute question à ce sujet, adressez-vous aux membres de notre équipe de droit du travail ici ou à l’auteure du présent billet.

Me Rosalie Grenier, avocate
rosalie.grenier@steinmonast.ca
418-476-3627


 

1RLRQ, c. S-2.1.
2Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail, Cadre d’émission des constats d’infraction, en ligne : <https://www.cnesst.gouv.qc.ca/sites/default/files/documents/dc200-1053.pdf> (consulté le 15 mars 2022).
3Voir notamment les articles 22.1, 219 à 221 du Code criminel, L.R.C. 1985, c. C -46.
4Id., article 219 (1).
5Id., article 221 a).
6Id., article 220 b).
7Id., article 737 (2) a).

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