Dans l’affaire Industrielle Alliance, assurances auto et habitation inc. c. Usines Giant inc.1 la Cour devait se prononcer sur la validité procédurale de la réunion, en un seul recours judiciaire, de sinistres multiples impliquant tous le fabricant de chauffe-eau Giant.
L’Industrielle Alliance, dûment subrogée dans les droits de ses assurés, avait en effet intenté un recours judiciaire en regroupant quinze (15) sinistres ayant affecté des propriétés distinctes, dans des villes distinctes, entre 2015 et 2017.
Un tel regroupement était visiblement fondé sur l’article 143 du Code de procédure civile, qui permet que plusieurs demandeurs présentent leurs prétentions et leurs conclusions dans une même demande, dans la mesure où elles ont le même fondement juridique, reposent sur les mêmes faits, soulèvent les mêmes points de droit, ou si les circonstances s’y prêtent.
Dans ce cas précis, les causes alléguées des défaillances des différents chauffe-eau étaient multiples (soudure défectueuse, usure prématurée, déficience de la valve de sûreté, fissuration du robinet de vidange ou du réservoir). La spécificité de chacun des défauts invoqués rendait donc nul le risque de jugement contradictoire, qui milite habituellement en faveur de la réunion des dossiers.
Chacun des 15 chauffe-eau devait faire l’objet d’une expertise portant sur des structures et sur des problématiques différentes. Selon le cas, la mise en cause des intervenants ayant installé le chauffe-eau ou de fournisseurs ayant fourni certaines pièces défectueuses pouvait s’avérer nécessaire.
La Cour conclut donc qu’ « [il] est clair que si les assurés avaient personnellement choisi de réunir leurs réclamations dans une même demande, Giant aurait été justifiée de s’opposer […] » et ajoute que « [les] réclamations ne reposent aucunement sur les mêmes faits, ni sur la même cause d’action. La preuve à administrer est différente pour chaque sinistre. »
Les conclusions de cette nouvelle décision ne font toutefois pas en sorte que, dorénavant, les assureurs ne pourront plus réunir en une seule demande de multiples sinistres découlant de la défaillance de biens d’un même fabricant.
En effet, la Cour précise clairement que « […] dans certaines situations, il peut exister une connexité suffisante entre les diverses réclamations indemnisées par un assureur pour qu’elles puissent coexister dans une même demande. » La Cour cite notamment l’exemple des dossiers concernant le fabricant Crane, dans lesquels la cause du bris invoqué, soit la rupture du réservoir de toilette, était la même dans chacun des dossiers. L’exemple d’un recours unique contre une ville ou une municipalité, à la suite de refoulements d’égout multiples, est également mentionné.
Un assureur agissant en subrogation peut avoir intérêt à gérer des réclamations connexes, impliquant le même fabricant, de façon conjointe et/ou parallèle, par souci d’efficacité, de partage d’information et de gestion des coûts. À ce stade, il est en effet préférable d’avoir une vue d’ensemble des réclamations connexes, afin d’éviter la multiplication de démarches semblables, maximiser l’information disponible et réduire les coûts.
Toutefois, au moment d’intenter les procédures, il y a lieu de déterminer si une seule demande peut être intentée, ou non, en considérant la connexité entre les différents dossiers. Ils peuvent alors être regroupés en fonction du district judiciaire concerné, de la nature des bris identifiés, du type de pièce ayant fait défaut, ou plutôt séparés par sinistre, lorsque la connexité apparaît insuffisante, comme dans la présente affaire.
1 2018 QCCQ 3030.