Fin des prestations pour perte résiduelle de revenu, quel fardeau!

22 février 2022

 

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Contexte :

L’affaire Blais c. Ivarimet en cause Jacques Blais (« Blais »), un conseiller en sécurité financière et représentant en assurance, qui a cessé ses activités en janvier 2013 pour cause de maladie. Détenteur d’une police d’assurance vie et d’assurance invalidité (« Police »), il reçoit des prestations d’invalidité totale, suivies de prestations pour perte résiduelle de revenu, notamment pour suppléer aux commissions de première vente qu’il aurait dû recevoir pendant son invalidité.

Jugement de première instance :

Dans le cadre d’un recours intenté contre son assureur, Blais réclame une somme de 24 504,15$ pour des prestations d’invalidité impayées d’avril 2017 à juin 2018. Or, selon l’assureur, la cessation des prestations pour perte résiduelle de revenu était justifiée puisque la situation modifiée de Blais en 2017 ne répondait plus aux critères permettant de telles prestations au sens de la Police.

La question en litige en première instance se résume à savoir si l’assureur a erré en cessant d’appliquer la définition de perte résiduelle de revenu à la situation du demandeur à compter du mois d’avril 2017 et en cessant de verser les prestations en conséquence.

La définition de perte résiduelle de revenu (« PRR ») à la Police prévoit des exigences cumulatives pour avoir droit à ce type de prestations, à savoir : (1) ne pas être frappé d’invalidité totale (2) se livrer à un emploi rémunéré et (3) subir un pourcentage de perte de revenu de l’ordre de 20% ou plus résultant uniquement d’une lésion ou d’une maladie survenant pendant le terme de la Police.

Selon l’assureur, le dernier critère n’était plus rempli, la perte de revenu de Blais ne résultant plus uniquement de sa maladie mais de plusieurs autres facteurs externes non liés à celle-ci. Plus précisément, l’assureur s’appuie sur des informations qui lui ont été rapportées par Blais relativement à sa situation familiale ainsi qu’à l’achat de deux nouveaux blocs d’affaires ayant eu pour conséquence de diminuer sa disponibilité à se consacrer à de nouvelles affaires.

La Cour retient l’interprétation faite par l’assureur de la définition de PRR prévue à la Police et rejette donc la demande de Blais.

Jugement de la Cour d’appel :

L’appel est accueilli et l’assureur est condamné au paiement de la somme réclamée par l’assuré Blais. Bien que la juge de première instance retienne la position de l’assureur quant à l’application de la définition de PRR à la Police, l’enjeu ne portait pas sur l’interprétation du contrat, mais plutôt sur l’application du fardeau de preuve. Ce fardeau, appartenant à l’assureur, n’a pas été rencontré selon la Cour d’appel.

S’appuyant sur la jurisprudence applicable, la Cour rappelle le principe voulant qu’une fois qu’une partie démontre qu’une situation légale existe, il revient à la partie qui prétend que les choses ont changé et que l’obligation n’existe plus d’en convaincre le tribunal.

En l’espèce, il a été démontré en première instance que Blais a bel et bien reçu des prestations d’invalidité totale puis des prestations PRR de 2013 à 2017 de son assureur en vertu de la Police. En effet, l’absence de nouvelles ventes par l’assuré pendant cette période de l’invalidité se traduisait bien par une perte de commissions de renouvellement pendant un certain temps. La preuve de la perte de revenu et sa cause étant établies, il revenait à l’assureur de démontrer une modification à la situation de Blais ne lui permettant plus de remplir les critères et justifiant la cessation des prestations.

Or, le simple constat de l’existence de facteurs externes n’était pas suffisant. Dès qu’il y a contestation de son constat, l’assureur ne peut se limiter à soulever un doute ou à présumer de l’impact auquel il conclut. Il doit le prouver selon le degré de preuve que doit satisfaire une partie en matière civile, c’est-à-dire selon la prépondérance des probabilités.

L’assureur devait donc administrer une preuve probante à l’effet que les éléments relatifs à sa situation familiale ainsi que l’achat de nouveaux blocs d’affaires avaient un impact sur les revenus de Blais et que cela modifiait sa situation au point de justifier l’arrêt des prestations. Ici, non seulement aucune preuve n’a été administrée en ce sens en première instance mais en plus, les parties ont admis le montant de la réclamation de sorte que le dossier, tel que présenté devant la Cour d’appel, était incomplet et ne lui permettait pas de se prononcer sur la vraie nature des pertes de revenus réclamées par Blais.

Pour toute question en matière d’assurance, communiquez avec un membre de notre équipe ici ou encore avec les auteures du présent billet :

Me Jessica Gauthier, associée
jessica.gauthier@steinmonast.ca
418-640-4434

Me Ruby Riverin-Kelly, avocate
ruby.riverin-kelly@steinmonast.ca
418-640-4446



2019 QCCQ 7418 et, en appel, 2021 QCCA 1931

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