Il arrive fréquemment que des entreprises se retrouvent avec des factures impayées et qu’elles désirent prendre des procédures judiciaires pour recouvrer les montants qui leur sont dus. Ce type de dossier s’appelle une « action sur compte ».
Dans le cadre de ces actions sur compte, le créancier est en droit de réclamer des intérêts sur le montant impayé. Mais à quel taux d’intérêt le créancier a-t-il droit? Si les parties, soit le créancier et le débiteur, ont convenu au préalable d’un taux d’intérêt applicable en cas de retard de paiement, alors c’est ce taux qui s’appliquera. Par contre, si rien n’a été prévu à cet égard, ce sera alors le taux légal, soit le taux prévu à la loi1, qui s’imposera.
Même si un taux d’intérêt a été convenu entre les parties, il faut savoir que les tribunaux n’hésitent pas à réduire les taux d’intérêt considérés comme trop élevés. Par exemple, les tribunaux ont souvent conclu qu’un intérêt de 24 % ou plus constituait une peine dite comminatoire, soit ne visant pas seulement à compenser le préjudice subi par le retard de paiement, mais aussi à punir le débiteur. Dans certaines situations2, la Cour a donc réduit le taux d’intérêt à 15 %/année.
Le point de départ du calcul des intérêts est la date de la demeure de plein droit ou celle de la réception de la lettre de mise en demeure extrajudiciaire. Sans cette mise en demeure, les intérêts ne vont courir qu’à compter de la demande introductive d’instance, soit la poursuite judiciaire.
Par ailleurs, le créancier peut parfois réclamer des dommages-intérêts additionnels3, en plus des intérêts prévus ou légaux, s’ils ont été stipulés contractuellement. On retrouve généralement ce type de clause contractuelle dans des contrats de prêt. Par exemple, le créancier, si le tout est justifié dans les circonstances, pourra réclamer les dépenses encourues pour faire valoir ses droits en cas de défaut du débiteur.
Finalement, le créancier peut également réclamer l’indemnité additionnelle4. Cette indemnité vise à compenser les délais judiciaires lorsque c’est l’intérêt légal qui s’applique, afin que le taux d’intérêt que le créancier pourra réclamer s’approche du taux d’intérêt commercial, surtout dans les périodes d’inflation. De façon concrète, le tout signifie qu’une indemnité additionnelle de 1 % par année5, calculée sur les dommages-intérêts accordés par la Cour, s’ajoutera au taux d’intérêt légal de 5 %6.
Cette indemnité doit être spécifiquement demandée par le créancier puisque la Cour ne peut l’accorder d’office. Habituellement, les tribunaux vont octroyer cette indemnité au créancier à moins qu’il n’ait eu un écart de comportement dans le cadre des procédures judiciaires (délais, guérilla judiciaire, mauvaise foi). Par ailleurs, les tribunaux conservent une certaine discrétion quant à son application, pouvant moduler le point de départ de son calcul (par exemple choisir la date d’introduction de la demande en justice au lieu celle de la demeure), la réduire ou carrément la refuser si la somme des intérêts à payer est jugée trop élevée.
Pour de plus amples informations sur ce qui précède, nous vous invitons à vous adresser à l’un des membres de notre équipe de litige commercial ici ou à l’auteure du présent billet :
Me Julie Pamerleau, Avocate
julie.pamerleau@steinmonast.ca
418-649-4014
1 Code civil du Québec, L.Q.1991, chapitre 64, art. 1617 al.1.
2 9149-5408 Québec inc. c. Groupe Ortam inc., 2012 QCCA 2257; Diamantopoulos c. Construction Dompat inc., 2013 QCCA 929; Gestion Strepco inc. c. 9208-6511 Québec inc., 2016 QCCQ 13073.
3 Code civil du Québec, L.Q.1991, chapitre 64, art. 1617 al.3
4 Code civil du Québec, L.Q.1991, chapitre 64, art. 1619.
5 Voir le calcul prévu à la Loi sur l’administration fiscale, c. A-6.002, art. 28 (soit le taux d’intérêt des créances de l’État à 6 % moins le taux légal à 5 %, ce qui donne 1 %).
6 Loi sur l’intérêt (LRC 1985).