Culture personnelle de plantes de cannabis : la possession et la production de 4 plants par habitation est permise (la Loi fédérale s’applique)!

4 septembre 2019

Par Me Ruby Riverin-Kelly, avocate 

Le 17 octobre 2018, le Canada devenait le premier pays du G8 à légaliser l’usage récréatif du cannabis sur son territoire ainsi que sa vente et sa culture[1]. Depuis, les provinces ont hérité de certains pouvoirs relatifs à la légalisation du cannabis, dont notamment celui d’en contrôler la vente, la consommation ou encore la production.

Le Québec se distinguait jusqu’à tout récemment des autres provinces, à l’exception du Manitoba, quant à la réglementation adoptée en matière de possession et culture de plants de cannabis. Alors que la Loi fédérale permet une possession et production à des fins personnelles pouvant aller jusqu’à quatre (4) plants par habitation, le Québec l’interdit et sanctionne cette pratique en imposant des amendes aux citoyens récalcitrants[2], le tout étant considéré comme des infractions pénales. Par ailleurs, une production à des fins personnelles dépassant la limite de quatre (4) plants par habitation est considérée par le gouvernement fédéral comme étant une activité criminelle, à moins qu’une autorisation ait été accordée conformément à la loi[3].

Le 25 octobre 2018, un premier citoyen québécois a déposé une demande en jugement déclaratoire mettant à l’épreuve la loi québécoise interdisant la culture à domicile devant les tribunaux[4]. Par ce recours, le demandeur cherchait principalement à faire trancher la difficulté d’application de la Loi provinciale, laquelle prévoit à ses articles 5 et 10 l’interdiction de ce que la Loi fédérale a autorisé, à savoir la possession et la culture jusqu’à quatre (4) plants de cannabis à domicile.

Le 3 septembre 2019, l’honorable Manon Lavoie, j.c.s., a tranché le débat[5] et a déclaré les articles en question constitutionnellement invalides. Par ailleurs, la juge a refusé de suspendre temporairement l’effet de la déclaration d’invalidité afin de donner au législateur québécois l’occasion de remédier à la situation, cette dernière ni voyant notamment pas là un danger pour le public menaçant la primauté du droit ni un vide juridique en raison de la présence des articles applicables de la loi fédérale[6]. D’ailleurs, la juge souligne que ce sont désormais les articles de la Loi fédérale qui régissent la possession et la culture de plantes de cannabis à des fins personnelles. Reste à savoir si cette décision sera portée en appel prochainement et si la Procureure générale du Québec tentera d’obtenir une suspension de l’exécution du jugement de la Cour supérieure le temps que le débat ne reprenne devant la Cour d’appel.

Bien que, au Québec, il était déjà possible depuis plusieurs années de cultiver du cannabis à son domicile ou au domicile d’une personne désignée par le patient qui (1) possède une prescription pour la consommation de cannabis médical et (2) une autorisation de Santé Canada pour la culture personnelle, il n’en demeure pas moins que le jugement précédemment cité crée une nouvelle réalité pour les assureurs. En effet, ces derniers devront se demander s’ils sont prêts à assurer les risques que présente la possession et la culture de quatre (4) plantes de cannabis à des fins personnelles en fonction de leur détermination des risques véritables que présente cette culture ainsi que la détermination des primes conséquentes en l’absence de données et statistiques fiables dans le domaine.

L’assureur aura intérêt dès à présent à poser des questions précises, tant à la souscription qu’au renouvellement de la police d’assurance, quant à l’intention de l’assuré de cultiver des plantes de cannabis, le type d’installation qu’il entend exploiter, etc. Encore une fois, l’assureur québécois devra se questionner sur l’opportunité d’inclure des exclusions spécifiques à sa police et qui sait, voir à limiter les protections offertes en fonction du type d’installation utilisé pour la culture, notamment par voie d’engagement formel.


[1] Loi sur le Cannabis, LC 2018, c. 16.
[2] Article 10 de la Loi encadrant le cannabis.
[3] Article 12 de la loi Loi sur le Cannabis.
[4] Janick Murray Hall c. Procureure générale du Québec, dossier de Cour portant le numéro 200-17-028561-181.
[5] Janick Murray Hall c. Procureure générale du Québec, C.S. Québec (Ch. Admin.), n°200-17-028561-181, 3 septembre 2019, j. Lavoie.
[6] Loi sur le Cannabis, LC 2018, c. 16, art. 8 (1) e) et 12 (4) b).

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